Mission Lescure : bidule Plus

La mission Lescure, dite "acte II de l’exception culturelle" est officiellement lancée. La lettre du ministère de la Culture et de la Communication confirme les craintes d’une opération d’enfumage et d’une véritable perte de temps.

Rarement on aura vu accouchement d’une souris par une montagne durer aussi longtemps... La lettre est datée du 6 août. C’est donc dans la torpeur de l’été que la ministre de la Culture et de la Communication a enfin arrêté la direction de la mission Lescure. Ladite mission avait été annoncée sans vraiment tambours ni trompettes par la ministre peu de temps après l’élection du président de la République. Puis, plus rien. Pierre Lescure, dont la compétence est évidente sur ce terrain, était ainsi en charge d’une mission fantôme, pompeusement intitulée "acte 2 de l’exception culturelle", autant dire le summum du "machin", ce concept propre à la technocratie française. Mais on allait tout comprendre lors de l’officialisation de cette mission, tant attendue par les professionnels - qui ont déjà montré leur mauvaise humeur - et le grand public, bien que cela reste à démontrer. Les antagonismes sont bien connus : les professionnels des industries de la culture pensent surtout à sanctifier les dispositifs anti-piratages actuels, et garantir les recettes. A contrario, un mouvement existe qui demande l’arrêt des hostilités et plus largement que l’on fiche la paix aux pirates, car ce sont essentiellement des amoureux des arts et de Vanessa Paradis - ce qui n’est pas forcément contradictoire.

Ancien patron de Canal+

Dans ce contexte, le gouvernement a donc choisi de ne surtout pas intervenir et de noyer le chaton avec l’eau du bain du bébé. Autrement dit, il fallait suffisamment de fumigènes pour calmer tout le monde et passer à des sujets plus sérieux. Et cela, bien que tous, professionnels du divertissement comme zélotes de l’échangisme électronique, vont profiter de l’occasion pour tenter de faire avancer leurs pions. C’est de bonne guerre. Il est ainsi assuré que les réalisateurs, producteurs et auteurs de l’audiovisuel vont se sentir suffisamment en confiance face à l’ancien patron de Canal+ pour demander des aménagement de la chronologie des médias, ou autre chose. Dans le camp en face, tout autant mis en confiance par les propos tenus par le même ancien grand chef de la chaîne qui apporta le cryptage sur le petit écran, on va proposer que soit prise en compte "la légalisation des échanges hors marchand". Rien que ce point devrait donner du fil à retordre et des explosions médiatiques pour plusieurs mois... Oui, mais voilà, Pierre Lescure s’est aussi prononcé pour un maintien de l’Hadopi. Plus c’est gros, plus ça passe ! La lettre de mission empile ainsi les poncifs du genre, entendus depuis des lustres déjà dès qu’il s’agit du numérique. En voici un florilège : "les innovations numériques renouvellent en profondeur les contenus culturels et le rapport entre les créateurs, industries créatives et usagers" ; "vous vous attacherez à formuler des propositions de dispositifs d’action publique permettant de favoriser le développement des oeuvres et des pratiques culturelles numériques..." ; "Enfin l’appréhension de la réalité des usages de nos concitoyens, et en particulier des plus jeunes d’entre eux, devra retenir toute votre attention". Ces phrases bateau, imprécises et dénotant une mauvaise connaissance des sujets par son auteur, se répètent depuis une décennie maintenant dans chacune des lettres des mission et commissions qui se sont succédées.

Perte de temps

Petite nouveauté, la DGmic, ce service du ministère de la Culture et de la Communication sera largement mis à contribution pour la conduite de la mission. Un comité de pilotage réunira différents ministères, dont celui de Fleur Pellerin, le numérique. Est-ce que cela suffira ? Les contours de la mission Lescure apparaissent aujourd’hui à l’image de ce début de quinquennat socialiste comme le fruit d’un travail d’amateur, où l’importance des enjeux a été oublié au profit de ce qui apparait comme des remerciements et renvois d’ascenseur d’après une campagne. On peut le comprendre, la campagne fut acharnée, mais la perte de temps n’en est que plus réelle. 2014 sera donc le véritable horizon pour les industriels de la culture, avec la mise en chantier du véritable acte de politique générale sur les moyens de financement. Ironie de l’histoire, la fusion accélérée de l’Arcep et du CSA voulue par le président, montre bien que les questions touchant aux chaînes de télévision et aux opérateurs de télécommunication sont bien mieux traitées par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. La culture n’est toujours pas un sujet, ça n’a pas changé depuis mai.

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