Pierre Lescure rêve d’un iTunes français #Gratuit

La mission Lescure veut donner à la France un statut de leader dans la distribution en ligne des biens culturels. (Publié le 14 février)

L'oracle n'a pas encore parlé. La mission Lescure buche sur les conclusions qu'elle doit remettre à la ministre Aurélie Filippetti le mois prochain. Après plus de six mois de travaux, partagés entre les auditions de l'ensemble des acteurs du secteur du numérique comme de la culture, et dorénavant une synthèse lourde d'arguments, les propositions n'épargneront aucun domaine. La chronologie des médias est en première ligne, tout comme Hadopi, dont l'existence a été sans cesse remise en cause par la rue de Valois.

La mission Lescure voit plus loin. Une analyse du marché des biens en ligne a permis de dégager une consensus de ses membres concernant la nécessité de voir la France, ou plus largement l'Europe, dans la distribution sur le Net de musique, vidéos, etc. Aujourd'hui, le learder incontesté est iTunes, avec plus de 500 millions de comptes enregistrés, devant Amazon qui approche les 300 millions de comptes. La puissance de feu de ces boutique en ligne n'a rien de commun avec ce que l'on a connu jusqu'à présent. iTunes est le quatrième centre de profit pour Apple, juste derrière la vente d'ordinateurs Mac. Au dernier trimestre, c'est plus de 6 milliards de dollars si l'on y ajoute les ventes d'accessoires. Sur une année, iTunes Store a généré autant d'argent que le groupe LVMH ! Et les perspectives de croissance sont immenses. La preuve, rien qu'en 2012, Apple a reversé 1 milliard de dollars aux développeurs qui utilisent l'AppStore pour écouler leurs applications, et la musique a atteint le chiffre faramineux de 20 milliards de fichiers vendus.

Provincial

L'enjeu est de taille. L'Europe en est pratiquement totalement absente. Si l'on excepte Deezer et Spotify. La mission Lescure veut y remédier en préconisant pour la France un programme de réformes capables de favoriser un "iTunes à la française". Cela passe notamment par une réforme de la fiscalité, dont la spécificité luxembourgeoise a été pointée du doigt par tous les acteurs auditionnés. Une TVA réduite pour les droits d'auteur octroie en effet aux sociétés implantées dans le duché de dégager une marge supplémentaire en vendant en France un prix européen unique. Néanmoins cette réforme financière, toute nécessaire soit elle, ne sera pas suffisante pour remonter la pente et présenter dans les années à venir un vrai rival d'iTunes.

L'investissement devra être considérable. Apple, Amazon et maintenant Google ont développé une culture qui repose sur une histoire particulière de 40 ans. Pour faire simple, lorsque la France investissait dans Bull ou Thomson, Steve Jobs, Bill Gates et les autres apprenaient ce qui allait bouleverser leur futur et celui de la planète toute entière sur les campus de la Silicon Valley. L'un prenait des drogues et rêvait éveillé, quand l'autre plus pragmatique inventait le moyen d'avoir ses produits sur chaque ordinateur vendus. Ce retard de 40 ans ne se rattrape pas d'un coup, ni par la volonté du gouvernement. Il suffit de regarder le paysage des start-ups local pour être frappé par son côté "provincial". Il ne manque pas de bonnes idées, bien au contraire, mais aucune n'a atteint le niveau mondial, à l'exception de Dailymotion, qui à sa création ressemblait comme deux gouttes d'eau à YouTube.

Horizon politique

Se lancer sur les traces d'iTunes, cela signifie pouvoir s'appuyer sur un système d'exploitation, un parc d'appareils, et encore un développement soutenu pour rivaliser. Cela veut dire des années de traversée du désert et certainement l'abandon de dizaines de pistes ne menant nulle part. Enfin, c'est un investissement colossal, plusieurs centaines de millions d'euros sur une durée de plusieurs années, et tout cela sans perdre de vue que les rivaux, déjà en avance, ne vont pas ralentir.

Pour le gouvernement, une décision politique de cette envergure nécessite la collaboration de plusieurs ministères. La mission Lescure pourrait ainsi s'adresser autant à la rue de Valois qu'à Bercy, ou au ministère du redressement productif d'Arnaud Montebourg. Voilà qui aurait de l'allure, et donnerait à ce gouvernement Ayrault un horizon numérique digne de ce nom. Un projet pour les générations futures et avec cela la défense des particularisme français dès qu'on touche à la culture. La bataille pour l'exception culturelle 2.0 se joue là avant tout, et pas ailleurs.

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