Aurélie Filippetti continue de dérouler le fil anti-marchandisation de la culture qu'elle avait commencé à tirer au Forum de Chaillot, cette fois pour prendre position dans la bataille commerciale entre Amazon et Hachette sur le prix du livre numérique. "La culture n'est pas une marchandise comme une autre", avait-elle dit à Chaillot début avril. Aujourd'hui, la ministre vient de reprendre cet argument contre Amazon : "le livre n’est pas un produit comme les autres", a-t-elle écrit dans son communiqué de presse appelant "à la vigilance de l’Europe sur les tentations d’abus de position dominante d'Amazon". Dénonçant les pratiques de blocage des commandes utilisées par Amazon contre Hachette, elle considère qu'il s'agit là d' "une nouvelle illustration du risque que représente la recherche de position dominante d’Amazon dans tous les pays au prix de pratiques commerciales agressives et destructrices de valeur pour toute la chaîne du livre". Reste à voir si ces arguments anti-marché porteront au niveau international, et surtout aux Etats-Unis, où le livre a toujours été considéré comme une marchandise. Quoi qu'il en soit, il ne semble pas y avoir eu de plainte d'Hachette contre Amazon, ce qui est d'ailleurs remarquable : l'action d'Hachette semble à présent se limiter à utiliser les médias et les politiques pour le défendre. Si Hachette déposait une requête contre Amazon, au civil ou devant les autorités en charge de la concurrence, il n'est pas certain que le premier éditeur au monde en termes de chiffre d'affaires aurait besoin de ces arguments anti-marchandisation culturelle pour se défendre. En effet, le juge américain prendrait en compte le fait qu'Hachette est considérablement plus petit qu'Amazon. Le groupe français - filiale de Lagardère - a un CA 2013 d'un peu plus de deux milliards de dollars, tandis qu'Amazon pèse plus de 74 milliards au niveau mondial... Ce qui donne un goût de cendre à ses actions, même pour les Américains, d'autant que le vent a tourné contre Amazon ces derniers temps.