Éric Garandeau, président du CNC : « La commission européenne veut nous ramener à l’acte zéro de l’exception culturelle ! » – #Gratuit
Eric Garandeau, le président du centre national du cinéma n’est pas tendre avec la commission européenne qui retient toujours son verdict sur la taxe sur les télévisions. Les commissaires de la concurrence ont un mois supplémentaire pour prendre une décision, qui pour le président du CNC conditionne rien moins que l’existence même du CNC et du cinéma français. Il se montre aussi favorable à l’intégration du centre national de la musique, si le budget du CNC est revu à la hausse. Le président du CNC se refuse à imaginer d’ailleurs une défaite face à Bruxelles, et n’a pas prévu de plan B. Il craint également que la commission ne décide d’agir avec les établissements comme le CNC de la même manière qu’avec les sociétés civiles et supprime le principe de territorialité. Enfin, la menace de voir Bercy ou le parlement s’emparer de l’argent du CNC s’éloigne. Eric Garandeau estime que la Cour des Comptes est convaincue maintenant de la légitimité du modèle de financement propre au CNC, et que le gouvernement est solidaire de son action.
ElectronLibre : Pouvez-vous dresser un tableau général du fonctionnement du centre national du cinéma ?
– Éric Garandeau, président du CNC : Revenons aux fondamentaux car ils montrent la force et la logique d’un modèle imaginé dès 1937 par un rapport de l’Inspection Générale des Finances, et mis en œuvre après guerre par le Gouvernement de Jean Monnet dès 1946. Le fonds de soutien que gère le CNC est un mécanisme d’épargne « forcé » qui consiste à prélever des ressources fiscales sur la distribution des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, quel que soit le support, pour les réinjecter dans la création et la distribution de ces œuvres, de façon à mutualiser les risques, à rééquilibrer les rapports de force sur les marchés, et à apporter une vraie plus value artistique. A sa création le fonds de soutien captait 10,72% du chiffre d’affaires des entrées dans les salles de cinéma. Ce prélèvement a été étendu aux chaînes de télévision en 1986 puis à la vidéo et la vidéo à la demande, et enfin aux abonnements internet en mars 2007 dans la loi dite « télévision du futur ». Cette extension de la taxe aux abonnements mixtes (triple play à l’époque), était l’application des principes d’égalité fiscale et de neutralité technologique, car les même services audiovisuels sont aujourd’hui accessibles sur les téléviseurs, les ordinateurs et les smartphones.
EL : Sur quel fondement se base cette extension de l’assiette du compte de soutien ?
– EG : La règle d’or est la suivante : tout ceux qui tirent profit de la mise à disposition de services de télévision doivent contribuer au fonds de soutien, et l’ensemble des sommes collectées doit être redistribué à ce même secteur audiovisuel. Le CNC ne fait que conserver une petite fraction nécessaire à son fonctionnement courant: notre taux de frais de gestion appliqué est de 5,1%, il était de 5,6% il y a deux ans, et nous essaierons de le diminuer encore en 2013.
Une partie des fonds est tout de suite redistribuée dans des aides automatiques et sélectives, et le reste est provisionné ou mis en réserve, de façon à pouvoir faire face aux décaissements ultérieurs de la part de nos bénéficiaires, qui ont tous un compte au CNC, avec des « droits de tirage ». Par exemple, les salles de cinéma disposent d’un délai de dix ans pour utiliser le soutien automatique généré par la taxe, et son usage est réservé aux investissements, c’est-à-dire aux travaux de rénovation et d’extension des salles de cinéma. Pendant cette période ce compte est provisionné à 100%, la trésorerie correspondante est gelée, et de manière pratique sa gestion est confiée au trésor public – en gros la trésorerie du CNC finance la dette publique de la France.
« Pas de cagnotte au CNC »EL : On parle d’une cagnotte de 800 millions d’euros. Qu’en est il ?
– EG : il n’y a pas de cagnotte au CNC ! Jusqu’au rapport de la Cour des comptes de 2004, le CNC gérait ses finances selon une comptabilité de caisse et provisionnait le « risque guichet », ce que les bénéficiaires allaient dépenser pendant l’année. Autrement dit si les estimations étaient mal faites le CNC pouvait se retrouver en cessation de paiement! Suite au rapport de la Cour – j’étais directeur financier…
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