Missionné par la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, Jean-Marie Charon vient de rendre son rapport intitulé "Presse et numérique - L’invention d’un nouvel écosystème". À la lecture de la centaine de pages qui accumulent les poncifs sur la presse et les mots "buzzants" : data, newsgame, webdoc, crowdfunding, etc., il en ressort une impression nette que ce rapport a été rédigé au début des années 2000 - on y parle d'Aufeminin, de Marmiton ou encore d'Owni... Aucun des sites d'information sur le numérique, pourtant bien connus, n'ont été interrogés. Nulle trace de Numerama, Nextinpact, Clubic, ZDnet ou encore ElectronLibre. Bien entendu, les expériences et autres "nouveaux formats" sont intéressants, mais la presse en ligne a fait depuis quelques années déjà le tri dans les fantasmes et les modèles économiques. Médiapart a montré qu'un journalisme que l'on pourrait qualifier de "traditionnel" accolé à un modèle économique "payant" avait droit de cité dans un univers où la course à l'audience a été trop longtemps la règle. Nextinpact et Numerama après des fortunes financières diverses ces dernières années ont maintenu un niveau de revenu suffisant pour assurer une activité pérenne ou même embaucher. ZDNet est un "vieux" média en ligne, dont le pétale français n'est pas non plus un exemple de trou financier sans fond... Les sites du groupe NextRadioTV - totalement absents du rapport - rapportent des millions d'euros sur un modèle d'audience, tout autant que Les Numériques, un site qui allie informations spécifiques et tests... Bref, les exemples ne manquent pas de médias français sur le Net qui ont su trouver un équilibre financier dans la rigueur d'un contexte numérique. Cette myopie de Jean-Marie Charon se retrouve aussi dans "recommandations" : favoriser les jeunes pousses par l'investissement mixte public-privé; créer des "incubateurs", des résidences pour les jeunes pousses; revoir les aides (fonds stratégique) pour y intégrer d'avantage les dépenses techniques; enfin revoir le "cadre des entreprises de presse" pour y intégrer des éléments comme le crowdfunding ou les entreprises "non profit". Bref, tout ce qui avait déjà précipité nombre de start-up de presse dans le mur dès le début des années 2000.