2015 est l'année de l'iPhone. Apple écrase ses adversaires directs qui peinent à trouver la bonne parade. Une domination qui répond à un besoin, celle d'une classe moyenne mondialisée qui ne veut plus être laissée pour compte.
Les chiffres de ventes d'iPhone ne faiblissent pas, ou très peu pour un appareil qui arrive en fin de cycle - 53 millions attendus sur le dernier trimestre. En face, la concurrence n'arrive pas du tout à émerger, prise entre un haut de gamme Apple indépassable et favori de la clientèle aisée, et une gamme vendue moins chère par la firme de Cupertino composée de modèles moins récents. Avec l'iPhone 6 ou l'iPhone 5c, toujours au catalogue, Apple a réduit la concurrence à une portion congrue sur les segments du marché les plus lucratifs. Blackberry vient d'annoncer des résultats encore décevants, avec seulement 1 million d'appareils écoulés. Samsung n'a pas réussi à renverser le rapport de force avec le Galaxy S6 qui devrait d'ailleurs être remplacé promptement avant la fin de l'année par le S7. Et le duo LG, HTC peine aussi avec des chiffres très en dessous des estimations avec leurs nouveaux haut de gamme, à tel point que le second parle d'accident industriel pour le One M9, dont les ventes sont inférieures de deux fois à son prédécesseur. Enfin, les clones chinois à bas prix dont Xiaomi ne sont pas suffisamment distribués dans le monde entier pour peser. Cependant, on peut remarquer qu'ils subissent aussi la domination de la pomme sur leur marché national.
Dans ces conditions, les ajustements sont à attendre de la part des constructeurs. Récemment, un lobbyiste de CCIA, défendant Google dans une de ses affaires de concurrence, affirmait que les utilisateurs d'Android migraient par "millions" vers iOS. Google n'est pas inquiet pour autant, Android n'a pas vocation à être sensible à des variations de ce type; c'est avant tout un argument apporté pour attirer les annonceurs de ces plateformes publicitaires. La problématique est en revanche bien réelle pour les constructeurs qui ont été entrainés dans cette aventure sans aucune garantie de succès. Samsung, Sony, LG, HTC, ont un problème avec Android, et ils vont bien devoir y apporter une réponse tôt ou tard.
Quatrième OS
Samsung est certainement le mieux placé. La firme possède une arme dans cette bataille avec le système d'exploitation Tizen. Encore peu utilisé, il pourrait devenir le socle logiciel de l'éco-système Samsung. A condition que le géant coréen conserve la volonté de s'imposer dans l'univers du smartphone. Ce qui n'est pas une obligation. Samsung domine outrageusement le marché des écrans de téléviseurs, celui des puces, ou encore des mémoires flash. Le géant coréen tire pourtant la majorité de ses bénéfices de la branche téléphonie. Tirer un trait sur la gamme des Galaxy représenterait une véritable catastrophe en termes de rentabilité. Samsung peut développer l'intégration de Tizen pour tenter d'y remédier. Une affaire loin d'être gagnée. Microsoft a toutes les peines du monde à imposer un troisième système mobile aux côtés d'iOS et d'Android. Et il s'agit là de Microsoft, une entreprise qui a bâti son expertise sur la captation de parts de marché ! Que dire alors des chances de Samsung de convaincre les utilisateurs, les développeurs, bref le marché, que son système d'exploitation est crédible ? Qu'elles sont minces.
Pour les autres fabricants, il n'y a pas de solution à court terme. Au pire, il leur faudra attendre la fin d'un cycle économique qui place aujourd'hui Apple tout en haut. Cette domination a commencé relativement tôt après l'annonce en 2007 de l'iPhone. Depuis, la montée de la firme de Cupertino est impressionnante et inexorable, suivant une stratégie qui à bien des points de vue n'a pas été comprise par les analystes. Ces derniers ont assommé de conseils le marché sur l'inévitable nécessité pour Apple de faire un produit d'entrée de gamme . La démarche d'Apple n'a pas été mieux comprise par ses concurrents - qui se sont battus sur le terrain des "specs techniques" sans comprendre que la cohérence du produit était le point important. Apple devrait vendre 230 millions d'iPhones en 2015, avec le prochain iPhone 6S prévu pour la rentrée. La firme fondée par les deux Steve possède toujours des années d'avance sur la concurrence en ce qui concerne les fonctionnalités qui "font la différence". Dernièrement ce fut le Touch ID ou le processeur 64 bits - qui arrivent à peine chez la concurrence et souvent encore pas vraiment très fonctionnels -, et dans le prochain ce sera le Touch Force, cette capacité de faire apparaitre de nouvelles fonctionnalités en exerçant une pression sur l'écran. Ce concept Apple l'a lancé avec l'Apple Watch, et devrait l'intégrer aux autres produits de la gamme portable dans les prochains mois.
Rabais
L'avance technologique de la marque à la pomme n'a pas fini de balloter la concurrence. Et entrevoir la fin de cette domination n'est pas aisé aujourd'hui que les chiffres semblent tutoyer des sommets. Car, comme bien des sociétés de la nouvelle économie - et Apple en est le fer de lance en terme de revenus, rentabilité et utilisateurs - Apple profite d'un élément nouveau : le développement de la classe moyenne dans le monde entier. Si celle-ci soutient depuis des décennies l'économie dans les pays dits industrialisés, elle fait maintenant son apparition en Asie, en Chine et en Inde notamment, en Amérique du Sud avec le Brésil et aussi en Afrique. Or, ce sont ces marchés qui représentent actuellement pour Apple le meilleur tremplin vers les records. L'erreur aurait été pour ses dirigeants d'adresser ces territoires avec des appareils peu chers et donc aux fonctions limitées. C'est d'ailleurs avec ce genre d'idées tiers-mondistes que Google vient de se casser les dents en Inde avec son projet de mobile à très bas prix. La classe moyenne indienne, comme la chinoise ou tunisienne n'a pas du tout l'intention d'être traitée au rabais. Au Vietnam elle s'abonne à Canal Plus et achète des iPhone : voilà ce qui pourrait résumer le paradigme de la classe moyenne montante mondialisée.
Et s'il est aussi évident que cette catégorie de la population va également s'agrandir dans les années prochaines, le pari pour les marques de la Hi-Tech, dont Apple et les autres, reste de la conquérir et de ne pas se faire détrôner. Comment ? En entretenant le mythe "marketing" de la marque "cool", que tous les jeunes veulent posséder, comme à une autre époque tous voulaient de Pékin à Los Angeles, boire du Coca-Cola ou aller voir le dernier Rambo. Apple de ce point de vue a su mettre toute son ingéniosité à faire de sa marque un référent planétaire. Tout comme Coca-Cola à son époque, ou Mc Donalds, ou encore Hollywood. Des entreprises qui aujourd'hui encore, 50 ans après dominent leur marché sans concession, ou presque - la restauration rapide étant en crise depuis quelques années.