Brexit : l’UE somme le Royaume-Uni de se dépêcher de partir

marmiteLe paradoxe du Brexit commence à se matérialiser, avec d'un côté des institutions et États membres qui souhaitent voir le processus de sortie avancer rapidement sans l'avoir souhaité, et de l'autre des Britanniques - y compris dans le camp du Brexit - qui appuient déjà sur le frein.

Du côté nord de la Manche, Boris Johnson et David Cameron tentent de gagner du temps devant l'inévitable situation qu'ils ont tous deux contribué à créer. Il s'agit pour eux d'obtenir une sortie de l'Union Européenne lente avec - dans leurs rêves - des négociations visant à maintenir divers avantages commerciaux obtenus au fil de leurs années de membership. Mais leur cote à Bruxelles, déjà très basse du fait des caprices et chantages répétés de David Cameron depuis trois ans, ne semble pas justifier ce plan. Au contraire même, institutions et États membres ont donné de claires indications qu'ils feront tout ce qui est en leur pouvoir pour accélérer la sortie du Royaume-Uni sans égards particuliers pour leurs exigences, mais tout en essayant de maintenir des relations pacifiques. Les déclarations du coté de l'UE et des États membres sont limpides : la priorité n'est pas de faire plaisir au Royaume-Uni, mais de maintenir le rythme des nécessaires avancées du projet européen.

Playing for time

Du côté des partisans du Brexit, on essaie donc de gagner du temps : Boris Johnson a notamment déclaré qu'il "n'y avait pas besoin d'enclencher le processus de l'article 50". Il s'agit de l'article 50 intégré aux Traités de l'UE par le traité de Lisbonne, qui stipule que "tout État membre peut décider conformément à ses règles constitutionnelles de se retirer de l'Union. L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union."

Saisine parlementaire

Problème : pour mettre en oeuvre l'article 50 au Royaume-Uni, c'est le Parlement qui est compétent : un référendum ne suffit pas à donner le pouvoir au gouvernement de négocier une sortie de l'UE. Or David Cameron, qui a démissionné et quittera son poste en octobre, n'a pas l'intention de déposer un tel projet devant les parlementaires britanniques avant la fin de son mandat, comme il l'a clairement expliqué ce matin. Et apparemment, Boris Johnson - son remplaçant probable - n'y est pas plus disposé. Il estime qu'il doit être possible de partir sans ces formalités parlementaires. Or l'UE est tenue par l'article 50 du traité de vérifier la constitutionnalité de la décision dans l'Etat membre qui souhaite sortir... On voit tout de suite la difficulté de la situation et l'interêt vital pour l'UE d'utiliser tous les leviers politiques disponibles afin de forcer l'actuel et/ou le prochain premier ministre à saisir son Parlement pour une clarification immédiate de la situation. Des fonctionnaires européens hauts placés ont d'ailleurs déjà commencé à affirmer à leurs contacts journalistiques à Bruxelles qu'il n'y aurait pas de début des négociations sans notification formelle basée sur l'article 50 ...

Dépêchez-vous de sortir, qu'on passe à autre chose

Du côté des institutions européennes, la réponse est à la fois désabusée et politique, et montre clairement la priorité, à savoir les relations entre 27 pays restent dans l'UE plutôt que les négociations avec le Royaume-Uni. Ainsi la déclaration conjointe de Martin Schulz, Président du parlement européen, Donald Tusk, Président du conseil européen, Mark Rutte et de Jean-Claude Juncker, Président de la Commission européenne : "nous déplorons cette décision mais la respectons. C'est une situation sans précédent mais nous sommes unis dans notre réponse. Nous resterons forts et maintiendrons les valeurs fondamentales de l'UE : promouvoir la paix et le bien-être de ses citoyens." Et de poursuivre : "nous sommes unis par l'histoire, la géographie et des intérêts communs et allons développer notre coopération sur ces bases. Ensemble nous aborderons nos challenges communs pour créer de la croissance, augmenter la prospérité et garantir un environnement sur pour nos citoyens". Ce n'est qu'après cette affirmation que les trois présidents ont parlé du Royaume-Uni, et uniquement pour leur demander d'accélérer : "nous attendons à présent du Royaume-Uni qu'il donne le plus vite possible suite à cette décision du peuple britannique, même si ce processus est douloureux. Tout retard prolongerait l'incertitude de manière superflue."