"La Banque Publique d'Investissement doit avoir une branche médias" a déclaré ce matin Benoit Hamon à l'occasion des 9èmes Rencontres de l'Udecam. Ce serait un immense changement, puisque la BPI n'a jamais mis un sou dans les nouveaux médias français, qui n'ont en conséquence pas accès au capital-risque, et sont de ce fait aussi moribonds que la vieille presse.
L'absence totale d'investissements de la Banque Publique d'Investissement (BPI) dans les nouveaux médias est un sujet qu'ElectronLibre suit depuis plusieurs années. Cette lacune - due aux "règles d'intervention" de la BPI - a largement contribué à étouffer l'émergence de nouveaux médias d'envergure en France, à l'heure même où les nouvelles marques prennent une place de plus en plus considérable aux Etats-Unis. Des marques américaines - on pense à Politico, Business Insider ou encore Forbes - ont d'ailleurs aisément réuni les moyens nécessaires pour s'installer en France et en Europe. Pendant ce temps, les pure-players français doivent en rester au stade artisanal, avec à peine les moyens d'avancer en France. La proposition de Benoit Hamon, si les détails n'en sont pas connus, permettrait de résoudre cet énorme problème. Mais les médias créés entre 2010 et 2017 risquent d'être les laissés-pour-compte de cette affaire ...
Pas d'alternative à la BPI
En quelques années, la BPI est devenue le "one-stop-shop" des sociétés innovantes en France. Elle investit dans tout : objets connectés et apparentés (Devialet, SigFox...), start-ups de produits alimentaires, plateformes diverses. Dans tout, sauf dans les médias, donc. Le problème pour les médias est double : d'une part, ils n'ont pas accès aux fonds de la BPI, mais en plus, les capital-risqueurs de la place parisienne ne mettent plus rien dans les projets non soutenus par la BPI. Face à cette situation, les médias créés entre 2010 et aujourd'hui ont soit été contraints de revoir leurs ambitions à la baisse, soit de fermer leurs portes, soit de se revendre à vil prix. Car les alternatives à la BPI et au capital-risque sont bien maigres. Le ministère de la Culture propose des aides de quelques dizaines de milliers d'euros, et encore, seulement depuis 2016. Et l'on sait que le crowdfunding - qui crée davantage de travail qu'il ne crée de valeur, ne permet pas de réunir des sommes sérieuses. Ainsi Les Jours ont amassé moins de 100000 euros par ce biais. Dans ces conditions, difficile de rémunérer de vraies équipes de journalistes en attendant que les abonnés arrivent.
Nouvelle presse aussi moribonde que l'ancienne
C'est un fait, la situation est devenue intenable. D'autant que la presse traditionnelle ne va pas bien : la politique d'aides à la presse traditionnelle du Ministère de la Culture n'aura pas empêché même les titres principaux comme Le Figaro de tirer la langue, et de donner de sérieux signes de fin de règne. En outre, les revenus publicitaires, pris en étau par le duopole Google-Facebook, ne donnent pas de signes de croissance forte, que du contraire. Il reste le Fonds Google, triste et maigre rappel de qui est en position de tirer les ficelles dans les médias aujourd'hui. Or pour qu'une démocratie fonctionne, il faut une presse non seulement diverse, mais vivante. Les pure-players seront ravis que le candidat à la présidentielle Benoit Hamon en ait pris acte. Reste à voir si la proposition concernera aussi les médias créés au cours des dix dernières années, qui ont particulièrement souffert de la quasi-absence de financement. Reste à voir aussi si les autres candidats - et surtout, ceux qui ont plus de chances de gagner les élections que Benoit Hamon - reprendront ce débat à leur compte ou continueront de se satisfaire d'un système où la nouvelle presse est aussi moribonde que l'ancienne, faute d'action.