La presse s'est réveillée cet été et Ô miracle ! les propositions du rapporteur Axel Voss sur le droit d'auteur sont passées, et même à une très large majorité.
Comme nous l'avions dit en juillet dernier, l'apathie de la presse vis-à-vis de l'article 11, pourtant taillé pour elle, avait compté pour beaucoup dans le vote négatif des euro-députés. Heureusement, depuis, la presse, et notamment la presse française, est sortie des bras de Morphée. Édito de Laurent Joffrin "Les pirates contre la presse" publié le 10 septembre, évènement organisé par Pierre Louette, récent PDG du groupe, aux Echos le même jour sur le thème des droits voisins, présence remarquée de Sammy Ketz - accompagné du directeur juridique de l'AFP - à Strasbourg hier pour une conférence de presse avec les députées Virginie Rozière et Helga Truepel. Ce ne sont là que quelques exemples du réveil de la presse quant à la nécessité de défendre ses droits.
Jean-Marie Cavada
Réveil auquel Jean-Marie Cavada, pour ce qui est de la presse française, n'est pas étranger : il a engagé très tôt, en rencontrant ses représentants, la presse à défendre l'article 11. Lui, qui ne s'est jamais ménagé pour défendre la proposition de directive, déplorait en juillet dernier que jusqu'à présent "ils ne sont pas beaucoup engagés." Sa voix, et sans doute celle d'Axel Voss en Allemagne, ont porté, et les représentants de la presse ont été au rendez-vous.
Il faut dire que malgré les difficultés, Axel Voss tenait "à l'article 11 comme à la prunelle de ses yeux", de source parlementaire. Solidaire de Jean-Claude Juncker et de Martin Selmayr sur ce dossier, il n'aurait jamais envisagé de le retirer de son rapport pour obtenir une adoption sur les autres points. L'article 13, qui incite les plateformes UGC à signer des licences, et l'article 14, qui prévoit des dispositions de transparence et de rémunération juste en faveur des auteurs et interprètes, étaient donc suspendus à l'action de la presse.
Populisme
Et l'article 11 partait de loin ! Faussement décrit comme une "link tax" - une taxe sur les liens - par la campagne Save Your Internet et par le représentant des plateformes américaines EDIMA, les dénigrements autour de cette disposition allaient bon train. Selon EDIMA, Save Your Internet mais aussi selon Julia Reda, elle allait entraîner une "censure du net", la "mort d'Internet", ou encore elle "interdirait de partager des extraits d'articles en ligne." Bien sur, les critiques contre l'article 13 étaient du même acabit, laissant entendre que la Commission et le Parlement étaient tellement pourris qu'ils envisageaient sérieusement de mettre en place une censure des citoyens européens par le biais d'une fausse mesure de protection des créateurs. On fait difficilement plus populiste. Mais il y a une différence fondamentale : pendant que les défenseurs de l'article 13 dépensaient leur énergie sans compter, depuis des années, pour prouver aux députés que le texte n'avait qu'un but, permettre à la création de gagner sa vie sur Internet, la presse n'a répondu sérieusement aux arguments démagogiques déployés par les plateformes et Julia Reda qu'il n'y a peu.
Pire, dans les pages des de journaux de ceux qui ont défendu l'article 11 ces derniers jours, l'on trouvait moult articles ou tribunes de journalistes opposés à l'article 11, ou présentant comme véridiques le fait qu'il s'agit d'une "link tax" : Olivier Tesquet pour Télérama, Eric Mettout pour l'Express.fr ont encore récemment trempé leur plume dans les arguments de Julia Reda. Sans compter la presse en ligne, représentée par le SPIIL (dont ElectronLibre ne fait pas partie, NDLR), qui est allée souvent plus loin dans son opposition à la directive dans son ensemble. Le SPIIL, présidé par le président de Contexte, a signé une tribune implorant les députées européens de rejeter en bloc le rapport d'Axel Voss. Mais heureusement, la presse s'est réveillée...