Martin Selmayr, secrétaire général de la Commission, préparerait la mise en place d'une nouvelle direction générale consacrée uniquement à la politique industrielle européenne. Les personnels de la Commission qui ont travaillé à la directive droit d'auteur auraient la priorité pour rejoindre cette nouvelle DG.
Décidément, l'idée du développement d'une politique industrielle européenne à même de permettre au secteur privé européen de prendre des places face aux Etats -Unis et à la Chine dans les secteurs d'avenir gagne du terrain. Nous l'avions vu avec la lettre de dix Etats membres à Donald Tusk, réclamant en février dernier "une politique industrielle offensive pour innover et rester compétitif au niveau global dans les technologies de pointe et les chaines de valeur stratégiques." La France et l'Allemagne n'ont pas été en reste sur ce sujet, avec leur Manifeste pour une politique industrielle adaptée au XXIème siècle datant également de février. Selon nos informations, les services administratifs de la Commission - et plus particulièrement son secrétaire général Martin Selmayr - travailleraient actuellement aux étapes préparatoires à la mise en place d'une nouvelle direction générale dédiée à la politique industrielle. Vu le contexte, et vu la volonté de nombreux Etats membres d'avancer dans ce sens, cette démarche est somme toute logique.
La Commission européenne ne confirme pas - ni n'infirme - l'existence de tels travaux préparatoires. "Nous ne commentons pas les rumeurs, et en tout état de cause, une quelconque décision sur ce point appartiendrait à la future Commission européenne", nous a déclaré un porte-parole de la Commission européenne ce matin. Rien ne sera donc annoncé du côté de la Commission avant novembre prochain. La Commissaire à la concurrence Margrethe Vestager, à laquelle nous avons demandé à l'occasion de Vivatech si elle était au courant de tels travaux, a abondé dans le même sens : "je ne suis pas au courant, et, quoi qu'il arrive, c'est la prochaine Commission européenne qui sera compétente pour mettre en place toute nouvelle direction générale."
Éléments épars
Aujourd'hui, l'Union européenne a quelques éléments épars de politique industrielle, tels que le Plan Juncker, ou les réflexions sur l'intelligence artificielle ou le développement de l'économie numérique. Mais l'on ne peut pas y reconnaitre de politique industrielle en tant que telle : ainsi par exemple, les fonds et garanties du Plan Juncker sont pour l'essentiel distribués par les Etats membres selon des critères nationaux. En France, c'est la Banque Publique d'Investissement qui est en charge de ces fonds. Bien sur, la réflexion sur les conditions nécessaires à l'épanouissement de l'industrie européenne est un sujet qui monte depuis plusieurs années : pour preuve, la DG qui s'appelait autrefois "Marché Intérieur" a vu ses compétences étendues pour couvrir l'industrie, l'entrepreneuriat et les PME. Son petit nom est d'ailleurs "DG Grow". Mais ce dont il s'agit aujourd'hui serait de détacher la DG Marché Intérieur - qui s'occuperait des conditions de circulation des biens et services dans l'UE - et la nouvelle DG Politique Industrielle, qui serait en charge de la réflexion sur l'investissement, et plus généralement sur la position internationale de l'industrie européenne.
Ceux qui ont travaillé à la directive droit d'auteur
Pour créer une nouvelle DG, il faudra des personnels administratifs qualifiés, ce qui requiert une préparation en amont : il n'est donc pas surprenant d'entendre que Martin Selmayr prend les devants sur la volonté de la future Commission européenne. Pour travailler dans la nouvelle DG, ce sont les personnels administratifs qui ont oeuvré pour la directive droit d'auteur qui auraient les faveurs du secrétaire général de la Commission. Une manière de reconnaitre que ce texte, bien plus qu'une littérature juridique technique, est un prototype vers une politique industrielle européenne, puisqu'il donne les moyens à un secteur privé de l'économie de se financer auprès de ceux qui utilisent ses produits.