Combien valent les abonnés Téléfoot ?

La Ligue de football professionnel s’apprête à remettre en jeu les droits détenus par Téléfoot, alors même que le marché est apathique. Le départ de Médiapro met en effet le football français à la merci du duo Canal Plus / BeINS Sports qui n’a pas intérêt à voir s’envoler les prix.

Selon les informations de l’Equipe, la LFP s’apprête à lancer en urgence un appel d’offres pour les droits de diffusion de la ligue 1, principalement les droits anciennement détenus par Mediapro. Il s’agit principalement des lots 1 et 3 qui permettaient de diffuser 80% des rencontres de la Ligue 1, dont les dix meilleures affiches. Médiapro avait fait une enchère de plus de 840 millions d’euros pour l’emporter, avec des matchs de Ligue 2 également, dont la valorisation est négligeable dans la balance. Combien vaut aujourd’hui ce lot ? Sachant que Canal Plus a aussi souhaité remettre en jeu les droits obtenus auprès de BeIN Sports...

La question est d’une importance capitale pour le football français dans un contexte de crise sanitaire et de baisse drastique des revenus, les clubs étant privés de billetterie, et n’ayant toujours aucune visibilité sur leur activité. Le gouvernement n’a pas donné de signe positif concernant une reprise, mise à part pour les clubs amateurs. Le gouffre qui s’ouvre sous les pieds des clubs français est abyssal, et le risque de faillite dans le football professionnel n’est pas à écarter.

MyCanal

Dans ces conditions, le prochain appel d’offres s’annonce décisif. Dans les faits, le paysage actuel diffère assez peu de 2018 : Canal Plus, BeIN Sports sont les principaux candidats aux droits. Les deux groupes s’entendent très bien, il y a d’ailleurs une connivence d’intérêts. Canal Plus s’est adjoint la distribution de la chaine Qatari sur sa plateforme, et la migration vers MyCanal est en cours. BeIN a confié sa stratégie OTT à MyCanal pour les prochaine année. Et la filiale de Vivendi veut muscler plus encore son WholeSale pour discuter avec les opérateurs.

Après Canal Plus et BeIN Sports, on retrouve les usual suspects, autrement dit ceux qui ont déjà fait des offres comme SFR, Free, ou encore l’hypothèse d’un Gafa qui arriverait en chevalier blanc : Amazon ou Facebook. Et enfin DAZN et même Médiapro, qui restent des spécialistes de l’acquisition de droits.

Gafa

L’équation économique reste difficile à équilibrer pour un nouvel entrant. Il est fort probable qu’un de ces jours Amazon ou Facebook soit un acteur important de la diffusion du sport en France. Aujourd’hui, la stratégie d’Amazon en France pour acquérir de nouveaux clients est encore balbutiante. Le géant de la distribution n’a certainement pas besoin d’investir des centaines de millions d’euros par an dans les droits du football pour ramasser des clients dans cette période troublée par l’épidémie de coronavirus. Amazon, comme Facebook peuvent en revanche regarder les droits en ligne détenus par Free actuellement. Mais, là encore, une bataille d’enchères sur des droits mineurs parait hors de propos.

Médiapro a accumulé difficilement 500 000 abonnés depuis le lancement de la chaine Telefoot. La stratégie commerciale a été un four. Payer plus de 800 millions d’euros par an, pour atteindre à peine 500 000 abonnés à la moitié de la première saison est un échec retentissant (soit 75 millions d’euros de revenus sur 6 mois). Le nouvel acquéreur de ces droits ne pourrait pas compter sur ce portefeuille de 500 000 abonnés pour rentabiliser l’exploitation de ces droits. Canal Plus serait évidemment le mieux placé pour s’en emparer, mais à moindre cout, là encore. Dans la situation actuelle, les abonnés à Téléfoot ne valent donc pas grand chose, et il est fort possible que la LFP soit contrainte de ne pas attribuer les droits remis en jeu, si les enchères s’avèrent trop basses. La LFP a d’autres options, comme de lancer des enchères pour cette fin de saison seulement et recommencer à l’été pour les deux prochaines saisons.

Quoi qu’il en soit, la perte de valeur du championnat de football est importante, et l’affaire Médiapro n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. L’épidémie bien sur, mais aussi l’absence d’acteur de poids pour contester les droits au duo Canal Plus /BeIN Sports, qui n’ont pas intérêt à voir les prix s’envoler, et savent s’entendre.