Avec l’affaire « Google Actualité » la presse met la pression sur François Hollande

Le marché de la publicité sur le Net s’annonce très difficile pour l’année prochaine. Le gouvernement tarde à mettre en place un plan d’aide à la presse. Les journaux sautent sur l’occasion pour lancer l’idée d’une nouvelle taxe Google, visant cette fois l’agrégateur "Google Actu", et forcer ainsi le gouvernement à agir.

La presse s’enfonce dans la crise ? Faisons payer Google ! La télévision n’est plus aussi dominatrice du temps de cerveau disponible ? Réglementons Google ! Le cinéma cherche des sous ? Taxons Google ! Google est la solution, et c’est bien naturel, car Google veut être la solution universelle, et répondre à toutes les questions - il faut bien assumer un jour. Une fois cela dit, le dernier épisode qui oppose la presse européenne et le moteur de Mountain View illustre parfaitement cette relation de dépendance et de haine que suscite l’activité de Google sur le Web.
Google c’est le progrès, l’innovation et la perle fragile des années 2000. Elle doit être préservée, et si besoin est, ses adversaires seront sacrifiés. Voilà pour le contexte... Pas de chance, certains refusent de se sacrifier sans se battre dans leur agonie. La presse est de celles-là. En Allemagne, une loi est en préparation, la "lex Google", qui donnerait aux journaux le droit de percevoir de l’argent sur les liens collectés et affichés par Google Actualité, le service d’agrégation d’infos. Ce texte suscite déjà une vive contestation de l’opposition, ainsi que des « défenseurs de l’innovation », comme il se doit. Les conséquences pourraient être rien moins que "catastrophiques", mêlant imbroglio juridique et panne de l’"innovation" ! La discussion s’annonce déjà houleuse.

Relations commerciales

Et les vagues déferlent déjà sur les côtes françaises. Les journaux français ont fait passer un projet aux ministères de la culture et du numérique, annonce Le Monde. Pourquoi diable les journaux français veulent-ils ainsi taxer Google ? Alors même qu’ils entretiennent avec le moteur de recherche des relations commerciales étroites... Google est en effet une des régies publicitaires favorites de la presse en ligne "gratuite". Adsense est présent sur les sites de presse, dès qu’il s’agit de vendre des espaces publicitaires si la régie principale n’arrive pas à écouler la totalité de l’inventaire. Selon le Journal du Net, l’année dernière Le Figaro imprimait 100 000 liens sponsorisés issus des programmes Adsense par jour. Google perçoit une partie de la somme et reverse une part à l’éditeur. L’équation a son importance comme on le verra par la suite.
De même, la presse française est une grande acheteuse des fameux "mots clefs", qui s’affichent dans les résultats d’une recherche sur Google en top de liste, afin d’être cliqués par le plus d’internautes possible. Là encore, difficile d’avoir des chiffres précis, mais les grands journaux du matin débourseraient près d’un million d’euros par an pour s’offrir leur drogue favorite, celle qui booste les audiences ! La bataille des millions d’internautes venant grossir l’audience a un prix, et il est élevé.
Dans ce contexte, les journaux demandent maintenant que le moteur de recherche partage ses recettes publicitaires, celles réalisées sur Google News en dehors de la France, avec eux. Et si ce n’est pas à partir d’un service monétisé par la publicité que ce reversement se fait, alors il serait plus simple selon les éditeurs de lever une taxer sur le chiffre d’affaires de Google France. Autrement dit, la presse récupère par une main ce qu’elle verse de l’autre - achat de mots clefs, mais aussi ce qu’elle ne perçoit pas à cause des taux de régie appliqués dans le cadre du programme Adsense -, tout cela dans un contexte où les sites d’information sont évidemment accros à Google dans leur course à l’audience.

Méthodes cavalières

Comment comprendre alors ce qui dérange les éditeurs dans le processus Google Actualité ? Nous avons déjà parlé de la pression infligée par la course à l’audience, qui pèse sur les rédactions, car il est bien difficile de réussir à dégager de la marge avec un modèle publicitaire sur le Net. Les prix sont très bas, et plus on imprime, plus la baisse est importante, via la mécanique des rabais - ils peuvent atteindre près de 90% du prix officiel. Dans ces conditions l’arrivée de la crise sur le marché de la publicité pour l’année prochaine est une raison évidente d’inquiétude pour les éditeurs. Il est indispensable de sacraliser les budgets, et d’avoir une visibilité sur l’année prochaine. Si la publicité ne le permet pas, que les aides à la presse semblent aussi dans l’impasse depuis l’élection du nouveau gouvernement, il devient urgent de trouver une solution. Et dans ce cas de figure, Google a la tête de l’emploi, si l’on peut dire. Si malencontreusement, le gouvernement reculait, il serait alors rapidement acculé, obligé de dégainer soit une loi, soit un programme d’aide, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en son temps... Le président sortant avait alors pris soin de convoquer tous les éditeurs à l’Elysée pour leur parler du programme à suivre, n’hésitant pas à suggérer leur soutient pour le mandat à venir. Il est peu probable que François Hollande se plie à ces méthodes quelque peu cavalières. On ne doit donc pas s’étonner si dans les prochains mois la presse s’acharne à dresser un portrait peu aimable du président en fonction, c’est que la situation est urgente si l’on en croit les chiffres de la presse. Et cette fois, Google n’y peut rien !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *