Google et la « part sombre » du partage de la valeur – Article atomique

Les éditeurs français ont mis le doigt sur la pièce essentielle du modèle Google. La finalité de l'algorithme du moteur de recherche est directement dans le collimateur des sites d'information qui demandent une "juste" rétribution pour l'indexation de leurs contenus.

Les Etats-Unis aiment plus que tout créer des mystères. Des secrets qui sont à la base de légendes que l'on envie partout ailleurs... C'est ainsi que Coca Cola, McDo et aussi Google enjolivent leur fable. Quelle est la recette du Coca Cola ? Et celle de la sauce du Big Mac ? Comment fonctionne ce "satané" algorithme de Google ? La société basée à Mountain View a pris sa place dans le "hall of fame" des commerçants américains, qui font l'admiration des autres pays et des consommateurs.

Mais un petit pays résiste, il ne s'en laisse pas compter et vient de poser une véritable bombe dans les circuits du géant Google. Et voici pourquoi... Les vieux barons de la presse, croulant sous les subventions, coupables de toutes les compromissions avec le pouvoir, dictateurs des opinions, et clients à la limite de l'abus des agences de presse, ces avatars cacochymes d'un vieux monde qui empeste ont mis le doigt sur la faille ! Et ils appuient, les bougres. Avaient-ils conscience des conséquences de leur demande, maintenant que l'affaire s'est transformée en tempête, que François Hollande, président de la République, pose un ultimatum à Eric Schmidt, le vice président de Google venu exprès en France ? C'est peu probable, mais le résultat est le même, ces enfants trop vieux ont joué avec la dynamite.

Tout est faux

Tout est parti d'une aporie. Comment percevoir de l'argent sur un service - que l'on accuse - d'agrégation des liens et des titres des sites d'information en ligne ? Google News n'affiche aucune publicité sur ses pages. Et logiquement Google clame à juste titre qu'il ne fait pas de revenus sur ce service, qui semble donc être juste là par l'effet d'un don, d'une pensée totalement désintéressée des maîtres du moteur de recherche... Jouissez de notre agrégateur, assure Google, il est gratuit et altruiste. C'est faux. Tout est faux, depuis l'intention jusqu'au modèle économique. Comme tous les portails opérés par Google, comme YouTube ou Google +, Google News joue son rôle et contribue à l'enrichissement de Google. Le lien entre l'agrégateur et la caisse enregistreuse c'est justement l'algorithme, le coeur battant et sonnant de Google. Le secret opaque de Google est là, nu et simple, bien qu'on n'en connaisse pas les détails : cette relation entre la collecte de données sur les portails du groupe et la régie, qui se charge de tout monétiser.

De ce fait, demander à être rétribué sur Google News implique bien une forme de légitimité. C'est certainement d'ailleurs en vertu de ce principe de rétribution et de partage que les labels ou les studios ont signé avec YouTube. La Sacem aussi a ratifié cet accord avec le portail de vidéo  Ce dernier accepte de reverser un pourcentage des recettes issues des publicités affichées sur les pages contenants des vidéos "officielles". Google ne reverse rien sur cette part "sombre" de son modèle qui lui permet d'utiliser les données collectées sur ces mêmes pages pour mieux vendre par la suite... Or cette part sombre est partie prenante de ce que certains ont appelé le "transfert de valeur" des contenus vers les acteurs économiques du réseau - qui en ce sens profite d'une faiblesse de la défense du droit des éditeurs de presse. Une renégociation pourrait bien s'avérer indispensable maintenant que les éditeurs de presse ont montré la voie !

Il est trop tôt

Qu'arriverait-il à Google ? Va-t-il menacer de retourner dans le maquis de l'illégalité en refusant de se mettre en règle avec tous les détenteurs de droits ? Impossible bien entendu... Le pli est inscrit dans la démarche même du moteur. Il doit payer pour faire évoluer son modèle, et oui, alors dans ce sens, l'action des éditeurs le met en danger. Qu'importe, de toutes les manières il était condamné. Google a déjà mis en place les bonnes pratiques avec Google Play, et ses boutiques de biens dématérialisés, musique comme vidéo  et applications.

Pourquoi alors crier ainsi aussi fort et brandir la menace atomique - donc parfaitement inefficace et ridicule - d'un déréférencement des sites d'information ? Parce qu'il est trop tôt. Google n'a pas réussi la mutation de son modèle économique, et l'algorithme totémique doit être protégé. Sans cela, l'action du groupe serait littéralement massacrée par les marchés à la première lueur de renégociation du partage de la valeur avec les éditeurs... Et cette éventualité n'a jamais été aussi proche. A tout prendre, Eric Schmidt est peut-être plus favorable à une concession sur le régime fiscal de Google en dehors des frontières américaines. Les semaines à venir nous le diront.

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