Ce mardi matin, le colloque NPA/Le Figaro rassemblait plusieurs acteurs du monde la culture, de la politique et des nouvelles technologies pour débatre autour du thème "Fiscalité, régulation, propriété intellectuelle : règles nationales ou dispositions communautaires ?".
Régulation européenne
D'entrée les enjeux sont posés : la fiscalité est une nécessité, mais pour Catherine Morin Desailly, sénatrice de la Seine-Maritime, et secrétaire nationale du Nouveau Centre chargée de la culture et des médias , c'est au niveau de l'Europe qu'il faut agir. "On est en voie de voir toute la valeur ajoutée des contenus captée et cannibalisée par les sociétés américaines, l'Europe peut devenir une colonie du numérique" prévient-elle, avant d’affirmer que "la défense de la création culturelle ne se règle qu'à échelle européenne. C’est un enjeu de civilisation !". Et pour agir à l'échelle communautaire, un des premiers pas à faire, selon la sénatrice, serait une "harmonisation fiscale européenne, souhaitable pour défendre la création et créer de la croissance". Un projet qui pourrait tout à fait être mené sur les bases du travail effectué à la demande la ministre Fleur Pellerin actuellement par Nicolas Colin et Pierre Collin.
Patrick Bloche, député de Paris et président de la commission des Affaires culturelles de l'Assemblée nationale s'est montré d'accord sur la nécessité d'une régulation européenne, tandis qu'Emmanuel Gabla, du CSA, insiste " on ne peut pas réguler les contenus sans réguler les contenants" même si, toujours selon lui "le principe de neutralité du Net doit tout de même être un peu adapté". Des propos qui résonnent particulièrement aujourd'hui, puisque le gouvernement cherche les moyens de fusionner Arcep, le gendarme des télécoms et le CSA, afin justement d'avoir en main un outil capable aussi de jeter les grandes lignes d'un financement des contenus par les acteurs du Net.
Lors de son intervention, Hervé Rony, Directeur général de la SCAM, revient sur son exigence, déjà exprimée lors de la journée "Auteur de vue", d'une hausse de la redevance sur cinq ans afin de financer la création. Il en profite pour déplorer le peu de responsabilité des hébergeurs.
Orange et Google : poules aux oeufs d'or du financement de la création?
C'est ensuite à Pierre Louette, Secrétaire général de France Telecom - Orange, de défendre sa délicate position, en rappelant l'attachement de la société "au financement de la culture et de la création", tout en se lamentant "parce qu'on est opérateur des Télécoms on paie 25% de plus que les autres", une taxation qu'il estime non proportionnelle aux usages... Une ritournelle bien connue et chantée par tous les opérateurs depuis plusieurs années. Et s'il est vrai que ce secteur est largement taxé, il est aussi très profitable et génère des dizaines de milliards d'euros de chiffre d'affaires - avec ou sans taxe.
Plus délicate encore à tenir, la position de Google France, que défend Alexandra Laferrière, Directrice des relations institutionnelles de l'entreprise. Pour elle, "Internet a permis de démocratiser la culture", et Google travaille d'ores et déjà "en partenariat avec les industries de contenus", notamment à travers de récents partenariats avec "l'univers de l'édition et du livre". Elle rappelle par ailleurs que "Sur Youtube, on teste avec les éditeurs partenaires des modèles de pré-financements", mais, doit-on s'en étonner, est farouchement contre la création d'un droit voisin, qui serait "néfaste pour éditeurs et utilisateurs". Concernant la fameuse Lex Google, si elle répète à qui mieux mieux les mots discussion et concertation, elle souligne que "les éditeurs de presse ne sont même pas d'accord entre eux", citant notamment les pure-players, en partie rassemblés au Spiil. Elle estime que "Google News propose d'avoir de courts extraits et renvoie vers le site, nous apportons du trafic", et rappelle qu'il n'y a pas de publicité sur cette page (mais passe sous silence la collecte de data savamment mise à profit). On peut trouver une certaine ironie à ce discours policé, calibré depuis des années, et nourri de poncifs et d'amalgames sur le véritable rôle de Google: la machinerie derrière les bonnes intentions affichées. Comment ne pas rire sous cape, en relisant alors ce que déclarait Marissa Mayer à l'époque vice présidente de Google : Google News est valorisé 100 millions de dollars dans le process de collecte et circulation des données mise au point par Google. Une bonne base pour de futures discussions, et surtout l'incitation pour tous les acteurs du Web à repenser le modèle de partage de la valeur...
Et aux esprits chagrins qui évoquent l'optimisation fiscale de Google, avec un positionnement en Irlande, elle rétorque qu'avec plus de 2000 collaborateurs là-bas, il ne s'agit pas d'une simple "boîte aux lettres". Un point de vue sur lequel le gouvernement risque de ne pas être d'accord...