Axel Bauer : «Les artistes se réveillent et se parlent !»

©Yann Orhan

Axel Bauer est entré dans la légende grâce au tube Cargo. Nous publions l'entretien qu'il a donné en exclusivité pour Musique Info (du 23 janvier) au sujet de la création de la Guilde des Artistes de la Musique, organe de lobbying par les musiciens pour les musiciens, qu’il a aidé à mettre sur pied, et qui veut faire entendre à l'industrie la voix de ses membres, sans play-back.

EL : Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est la Guilde des Artistes de la Musique (»GAM»), qui a eu sa première réunion le 8 janvier dernier ? 

- AB : Force est de constater que tous les acteurs de la filière parlent au nom des artistes sans qu'aucun artiste ne soit présent, il nous a semblé qu'il était nécessaire de nous remettre au cœur des débats dans lesquels nous ne sommes ni invités, ni consultés.

La GAM est la parole des artistes réunis. Nous ne sommes pas un syndicat, plutôt un lobby. Les artistes eux-même montent la GAM, qui est née de l'initiative de quelques artistes dont je fais partie. Nous avons contacté des artistes de la variété, du rock, du jazz, du rap, de l'électro et du classique. Ils ont tous répondu présent car ils ont compris qu'ensemble, nous pouvons agir, car sans nous, pas d'industrie musicale ni d'iPod 80 Go.

Le 8 Janvier, une trentaine d'artistes connus se sont réunis dans un lieu secret, une vingtaine d'autres suivaient la réunion sur Skype. Nous avons débattu ensemble des sujets qui nous concernent. C'était un moment vraiment émouvant. Nous étions libres entre nous d'aborder tous les sujets qui fâchent. Nous avons partagé nos expériences mais surtout, nous avons compris qu'au delà des styles, nous étions tous liés par la même passion. Aujourd’hui nous sommes beaucoup plus conscients, nous avons tous appris beaucoup sur notre métier et sommes les mieux placés pour en parler avec justesse et tendresse.

EL : Quelle est l'histoire de la création de ce nouvel organisme ?

- AB : L'idée est née de la simple observation de la filière du cinéma. L'ARP (association des réalisateurs producteurs) qui regroupe les créateurs de films, a joué un rôle régulateur important depuis sa création. Sans eux, le cinéma français n'existerait sans doute plus. L'équivalent n'existait pas dans la musique, il fallait le créer. Très rapidement, nous avons découvert que notre homologue existait en Angleterre.

Le FAC (featured artists coalition) regroupe déjà les membres de Pink Floyd, Radiohead, Blur, Annie Lennox entres autres. Je suis parti à l'époque les rencontrer et nous avons créé ce pont entres artistes français et anglais. Les Anglais ont en eux cette capacité naturelle à se réunir collectivement. Nous sommes plus individualistes et intellectuels, il a fallu apprendre à travailler ensemble.

« La liste des membres de la GAM est tenue secrète»

EL : Quels artistes en sont d'ores et déjà membres et quels sont vos objectifs en termes de participation ? 

- AB : Pour l'instant, la liste des membres de la GAM est tenue secrète du fait de la notoriété des artistes qui la constituent. Elle s'étoffe tous les jours, mais nous ne voulons pas être contactés individuellement par les médias et voir notre pensée réduite à la parole de quelques-uns. Nous allons bientôt élire notre conseil d'administration : ses membres prendront la parole légitimement. Pour être membre de la Guilde, il faut être auteur, compositeur, interprète ou les 3 à la fois. Nous demandons aux artistes qui nous ont déjà rejoints d’en parler aux artistes qu’ils connaissent. Et ça marche ! Nous sommes de plus en plus nombreux, cela va même plus vite que ce que l’on imaginait. Nous prenons notre temps pour la création car nous souhaitons protéger notre indépendance.

EL : Quelles sont les grandes lignes de l'action prévue par la GAM en 2013 ? 

- AB : Nous serons partout où nous estimons devoir être entendus. Nous irons aussi au Parlement Européen. Pour l'heure, nous recueillons les avis des artistes sur tous les sujets : droit d'auteur, copie privée, rémunération équitable, gestion collective, streaming, distribution numérique, relations artistes-producteur … tout est mis à plat, regroupé, analysé. Des avocats, des énarques, des économistes et même un philosophe nous aident à structurer notre action. Nous travaillons en "workshops" par petits groupes d’artistes aidés par des intervenants spécialisés dans chaque domaine, et qui nous apportent des réponses concrètes. Ainsi nos idées se structurent de manière réaliste et ce travail donnera lieu à un Livre Blanc de nos propositions que nous pourrons ensuite soumettre au Ministère de la Culture mais aussi à des commissaires européens en charge des dossiers. Nous sommes également en contact étroit avec Pierre Lescure dans le cadre de sa mission. Enfin nous tâchons de nous accorder avec la FAC anglaise sur des sujets communs, bien qu’ils n’aient pas toujours les mêmes problématiques que nous.

EL : Que répondez-vous à ceux qui pourraient dire que les intérêts des artistes sont déjà défendus par les majors et les SPRD ?

- AB : Certains de nos intérêts sont en effet déjà défendus par les majors et les SPRD, mais pas tous. Il faut bien comprendre qu’un artiste musicien est au centre de cette industrie du disque et travaille sur plusieurs fronts à la fois. Et chaque front a sa particularité. La SACEM va défendre le droit d’auteur mais n’a que faire de nos relations contractuelles avec les labels par exemple. Nous voulons montrer que nous sommes autonomes et parler nous mêmes de l’ensemble de nos intérêts sur tous les fronts.

Il y a trop de querelles de chapelles et nous en sommes souvent les otages. Nous souhaitons être présents et « arbitrer » en quelque sorte certains conflits.

La grande différence entre nous et les acteurs de la filière réside dans le fait que nous ne sommes pas des salariés. On n'embrasse pas la carrière musicale pour gagner de l'argent, toutes nos carrières sont fluctuantes et nous sommes habitués à voir nos revenus passer de ciel à trépas. Cela nous donne ce recul nécessaire pour aborder les problèmes de la manière la plus juste en incluant aussi les intérêts de notre public.

Enfin, nous avons tout simplement besoin de nous réunir pour parler vrai, pour parler musique et création.

 

EL : La Featured Artists Coalition britannique organise une remise de prix chaque année ? En ferez-vous de même ?

- AB : Nous travaillons en effet à cette idée qui nous paraît tout à fait utile pour nous rendre visible, et pour partager ensemble un bon moment de musique. Nous souhaiterions y récompenser des labels dont les contrats nous paraissent vertueux, ou d’autres acteurs de la filière qui agiraient dans le sens de nos intérêts. Mais aussi nous aimerions récompenser des artistes, nos petites victoires de la musique à nous, nos « Grammy Awards » !

EL : Quel est votre rôle dans la GAM et quels sont vos projets à titre personnel pour 2013 ?  

- AB : Mon rôle aujourd'hui est identique à ceux des artistes qui ont rejoint la GAM. Il est de fédérer, d'informer et de recruter. A l'avenir, j'espère bien sûr être élu au CA et participer à l'élaboration de nos propositions. Cette utopie au départ est devenue peu à peu une réalité. Les artistes se réveillent et se parlent !

J'en suis vraiment heureux et plein d'espoir. Pour ma part, je sors un nouvel album le 4 mars mais c'est une autre histoire ...

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