Blessant agenda

Aurélie Filippetti pourrait devoir quitter son ministère à la rentrée si elle décide de briguer la mairie de Metz. Patrick Bloche se verrait bien alors à la rue de Valois, menant à son terme une grande loi issue des travaux de la mission Lescure. Autant dire que la bataille entre les deux protagonistes fait déjà rage dans les couloirs du Palais Bourbon.

Derrière la mission Lescure, derrière les fausses sorties de la rue de Valois, derrière le conflit larvé entre la puissance publique et les intermittents du spectacle, derrière les apparences d'un fonctionnement normal du pouvoir, se joue une bataille acharnée entre Aurélie Filippetti et Patrick Bloche. Ce n'est pas sur une morne plaine que ces deux ténors en devenir de la gauche présidentielle s'affrontent mais avec des coups bas que chacun essaie de faire avancer ses pions dans l'agenda de l'Assemblée nationale.

Le temps est un luxe, mais nos deux protagonistes en ont une approche radicalement différente. Aurélie Filippetti est une énigme. Radio moquette à la rue de Valois et de l'Elysée fait état d'une envie soudaine de la ministre de se présenter à la mairie de Metz. Fief natal, ville moyenne mais fort potentiel, parait-il. Patrick Bloche est plus lisible. Le maire du XIème arrondissement de Paris cache assez mal son envie de déloger l'ancienne "écolo" du fauteuil de Malraux. Il occupe aujourd'hui une place privilégiée à la commission de l'éducation et de la culture du palais Bourbon, qui lui permet, par exemple, lorsque lui vient l'envie de montrer son intérêt pour les dossiers de la rue de Valois d'organiser une rencontre autour de la "copie privée"... On le sait également très en pointe sur le dossier du régime chômage des intermittents. Bref, l'homme veut la place de la femme.

Partie d'échec

Et l'homme a une stratégie. Si Aurélie Filippetti choisit de se présenter aux municipales, elle devra nécessairement quitter le gouvernement pour se consacrer à la campagne, être sur le terrain, aller à la rencontre des électeurs, battre le pavé messin. Le vote est prévu pour intervenir au mois de mars. Au mieux, Aurélie Filippetti devra quitter les rangs du gouvernement à la rentrée 2013, au pire en fin d'année, mais cela parait déjà tardif. Patrick Bloche a fait ce calcul, à lui donc de s'arroger les fruits de cette première année de gouvernement de la gauche à la culture. Première prise de guerre : la mission Lescure. L'ancien patron de Canal Plus tient entre ses mains une grande partie de la politique du parti pour les années qui viennent. Son rapport est très attendu, non pas réellement à cause de son objet, mais de l'absence d'actions menées par la rue de Valois depuis...

Le calendrier de la mission est primordiale pour bien comprendre la partie d'échec qui se joue actuellement entre Patrick Bloche et Aurélie Filippetti. Lors de l'annonce de sa fondation en présence de la ministre, Pierre Lescure avait précisé que les conclusions seraient livrées fin mars. Finalement, cela ne sera pas le cas avant la seconde partie du mois d'avril. Une mois de plus, ce qui n'est guère surprenant. Les auditions furent longues mais avec l'avantage de proposer un panorama pratiquement complet de l'état de l'art. Le numérique, la musique, la chronologie des médias, les industries créatives, rien de tout cela n'est plus inconnu à Pierre Lescure et les membres de la mission. Il faut maintenant rédiger, tirer une perspective et prier.

Loi Filippetti

Dans un ordre normal des choses, le rapport en main, la rue de Valois devrait proposer une grande loi d'orientation. Au mieux elle pourrait être livrer aux députés au mois de juillet. C'est bien comme cela que l'entend la rue de Valois. La future loi s'inscrira dans l'histoire comme la "loi Filippetti", la marque indélébile de son passage. Et l'Elysée ? Soucieux... Le château sait bien que la culture, l'audiovisuel, et le numérique ne sont pas des sujets pour finir tranquillement une année à l'Assemblée nationale. Plus encore, des questions se posent sur la capacité de la ministre comme de son cabinet d'affronter la rugosité de débats longs et souvent très techniques. Si à cela s'ajoute une révolte de quelques députés de gauche favorable à la cause de Patrick Bloche, la situation pourrait vite devenir incontrôlable.

Que faire alors ? Patrick Bloche, lui le sait, qui depuis plusieurs semaines déjà fait en sorte de ralentir l'agenda législatif à l'Assemblée nationale pour que la future loi de la rue de Valois tombe au mieux en fin d'année 2013, lorsque les cartes auront été re-brassées. La député de la Moselle aura t-elle choisie sa voie ? Metz est une belle ville, mais cela sera t-il suffisant pour lui donner l'envie de changer d'horizon et de quitter son ministère ? Et d'ailleurs, si Patrick Bloche fourbit ses armes, d'autres sont aussi sur les rangs pour lui ravir la place tant convoitée. On sait Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, très populaire et appréciée du cinéma. Idem pour Fleur Pellerin, dont le sérieux et la rigueur intellectuel, ainsi qu'une certaine habilité politique, ont été reconnus au ministère du numérique, depuis son arrivée. Beaucoup voit pour elle un destin bien plus ambitieux.

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