Vincent Frèrebeau : « Arrêtons de torpiller les Victoires de la musique de l’intérieur »

Les Victoires de la musique n'ont pas été celles de l'audience. Un palmarès haut de gamme qui n'a pas attiré plus de 2,4 millions de téléspectateurs. Vincent Frèrebeau, le président des Victoires estime pour sa part qu'il s'agit d'une bonne audience, et que les Victoires doivent être le moment pour la filière d'une vraie union. (publié le 20 février dans Musique Info)

EL : Avez vous le sentiment du devoir accompli après ces Victoires 2013 ?

- Vincent Frèrebeau : Oui, en plusieurs points, ces Victoires ont présenté une photo assez fidèle de l’année dernière dans la musique, et cela malgré quelques absences que l’on peu déplorer bien sûr, mais qui ne gâchent en rien un beau palmarès. L’une des fonctions des Victoires c’est de mettre en avant des artistes sans forcément se soumettre aux contraintes d’une émission de télévision de grande écoute. Ces Victoires ont mis en avant dans la diversité des styles et des genres, une grande partie des artistes qui ne sont jamais présents à la télévision, y compris des artistes qui sont populaires, mais pour lesquels les chaînes ne proposent pas de cadre : C2C, M, Lou Doillon, Shaka Ponk... Ces artistes vendent ou remplissent les salles de concert mais ne sont pas vus à la télévision. On peut être satisfait, les Victoires ont rempli leur rôle.

EL : Avec 2,4 millions de téléspectateurs la cérémonie a battu des records à la baisse. Les impératifs de la télévision étant ce qu’ils sont, est ce que cette émission peut continuer ?

- VF : Dans le cadre de la mission de service public de France Télévisions, il faut poursuivre ce type d’émission. Je répondrai aussi de façon différente, je qualifierai l’audience des Victoires 2013 de bonne - elle n’est pas dans les pires «Prime time» de France Télévisions -, on a mis 2,4 millions de personnes devant ce genre d’artistes. Il faut bien comprendre qu’une grande partie de ce programme est alternatif. Aujourd’hui sur le petit écran la musique est massivement représentée par les émissions de télé-crochet. L’audience recueillie n’est pas ridicule si l’on veut bien comparer, et puis il y a un bel effet sur les ventes des artistes concernés.

"Numéro Un du top iTunes"

EL : C’est à dire ?

- VF : Le lendemain ou le jour même des Victoires, dans les «top» consultables comme iTunes et Amazon on pouvait lire la programmation de l’émission... Quatre artistes ont vraiment bénéficié d’un effet Victoires : C2C, qui a été numéro Un du top iTunes dès le soir et l’est resté le Week end, mais aussi Lou Doillon, et Shaka Ponk, et Rover... Ces artistes ont fait de fortes progression grâce à l’émission dans les charts. Bien sûr ce ne sont pas des quantités impressionnantes qui ont été vendues, mais ça devrait se poursuivre dans les jours d’après, nous l’espérons.

EL : Est ce qu’il y a un effet direct d’une meilleure exposition pour les artistes ?

- VF : Une partie de la partie des musique qui n’est jamais exposée l’a été pendant cette émission et ça change sans aucune doute la donne pour eux.

EL : Y a t-il là une stratégie voulue par le président des Victoires ?

- VF : C’est la profession qui vote, ma qualité de président ne me donne aucun droit sur le palmarès. L’association est une caisse d’enregistrement de la volonté des professionnels de la filière.

EL : Certains notent qu’il y a un décalage entre les choix de la profession et les goûts du public. Est ce votre avis ?

- VF : C’est un mauvais procès. Ce serait ahurissant de dire que les NRJ serait aussi déconnectée d’une réalité parce qu’ils récompensent à chaque édition des artistes du même genre musicale. Personne ne peut contester le palmarès des Victoires. En fait la profession est connectée à une réalité qu’on ne montre jamais, car elle ne convient pas forcément aux canons de la télévision ou de la radio.

"Tout le monde aurait préféré que l’audience atteigne les 3,5 millions"

EL : Cela voudrait dire que c’est à la télévision de travailler pour mieux intégrer ces artistes ?

- VF : Il y a sans aucun doute de toutes façons un déficit de présentation de la musique à la télévision. C’est global pour la filière et ça contribue à la difficulté de développer des artistes. Prenons le cas de Rover, on voit bien qu’il pêche par un déficit d’exposition. Dès qu’il est montré faisant son métier, il rentre tout de suite dans le top album. Un type de musique qui est diffusée en radio, parce qu’elle est rentable, l’est aussi en télévision et exclue de facto le reste des genres musicaux. Il n’y a plus de place pour les autres types de musique, mais les victoires sont un peu le sanctuaire. Mais ceux qui se plaignent de la qualité des Victoires, de ce côté élitiste, possèdent déjà 80% du gâteau de la présentation de la musique à la télé, ils en voudraient 100% !

EL : Comment a réagi France Télévisions ? Y aura t-il les Victoires en 2014 ?

- VF : Tout le monde aurait préféré que l’audience atteigne les 3,5 millions de téléspectateurs, mais dans l’ensemble, il y a un regard sur ce programme que je partage. Ca tient de l’exploit de ne pas avoir eu de soucis techniques, de réaliser une bonne émission, fluide dans son déroulé, avec un bon décors. On a un regard croisé avec France Télévisions. La chaine nous a dit qu’avec 2,4 millions d’audience cumulée et la liste d’artistes présentée, le service public remplit sa mission. Pas de remise en question pour l’année prochaine.

EL : En tant que président des Victoires, c’est la fin de règne après 4 ans (deux fois deux ans). Quel est votre bilan ?

- VF : C’est un peu désarmant en étant à la tête d’une telle organisation. Les Victoires devraient être «Le» moment de la filière musique comme les césars pour le cinéma. La filière devrait mesurer l’importance de conserver les Victoires comme étant un sanctuaire de la musique à la télévision, et que avec le temps et ce soutien du service public, elles ne soient plus à l’avenir un sanctuaire. Les discordances qui existent au sein de la filière sont désarmantes. Les Victoires doivent être le trait d’union des composantes de la filière. Et ce moment doit être celui où tous se retrouvent pour montrer force et union. Les intérêts privés doivent se taire pour laisser la place aux enjeux collectifs. Certains voudraient que les Victoires soient comme le reste de ce qui est proposé habituellement... Au contraire, elles sont l’expression de la volonté des membres de la filière. Cette émission doit murir, évoluer, bien sûr, elle doit plus être regardée, mais arrêtons de la torpiller de l’intérieur.

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