L'Hadopi publie une étude sur les contenus mis à disposition par YouTube. L’illicite y règne en maître, mais pour ce qui est de la musique, la consommation se fait aussi largement sur les contenus officiels.
Les études sont parfois bien nécessaires pour comprendre un phénomène. Les estimations au doigt mouillé ne suffisent plus lorsqu'il s'agit d'appréhender un géant comme YouTube. Dans le cadre de ses missions sur l'offre légale, la DREV, le nouveau département recherches et études de l'Hadopi, vient de publier une de ces petites pépites qui fait trembler les idées reçues. Le constat que l'on peut en tirer est le suivant : YouTube est un média quasi vertical, un parent bien plus proche de TF1 qu'il n'y parait, dont la majorité des contenus mis à disposition sont illicites. La belle horizontalité du Net n'est qu'un mythe, YouTube est une immense plateforme médiatique, le CanalSat du prochain millénaire, mais pour le moment, il a un vrai problème de légalité avec ces programmes, comme l'a maintes fois souligné aussi la RIAA.
Première mise en garde faite par la DREV, la consommation des contenus "culturels" se fait en majorité via des canaux "gratuits". "Musique, séries TV et photos sont les biens les plus consommés gratuitement, tandis que les livres, les jeux vidéos et les logiciels donnent un peu plus ", souligne la DREV. Et qu'importe la licité des oeuvres concernées. Comme nous l'avions remarqué plusieurs fois, la consommation gratuite de contenus, que ce soit ou non par des voies piratées, dégage le pire rendement économique du Web. Les chiffres sont éloquents lorsque l'on fouille un peu plus dans les caves de YouTube.
Random walk
Du haut des 29 millions d'internautes par mois en France, ou de son milliard pour le monde, la plateforme de Google est la plaque tournante planétaire du piratage, mais de bonne foi. Demandez à Google ce qu'il en est, ils répéteront la main sur la coeur qu'ils répondent à toutes les demandes des ayants-droit, et proposent les outils les plus efficaces qui soient contre les "méchants pirates". Evidemment, tout cela n'est qu'hypocrisie, et certainement des deux côtés du manche. Car, si pour YouTube l'objectif est d'obtenir un maximum de contenus, donc un maximum de pages et d'affichages publicitaires potentiels, pour les artistes ce surplus d'audience c'est "toujours ça de pris".
La méthodologie utilisée par Hadopi est celle d'un "random walk", qui lui permet de naviguer dans les contenus YouTube, comme le ferait un échantillon d'internautes. Les vidéos les plus populaires sont sur représentées, mais prévient la DREV "dans le cadre de ce travail de recherche, ce biais est pleinement assumé parce qu'il rapproche les résultats de l'analyse de la perception que peuvent avoir les utilisateurs des suggestions de vidéos".
Premier coup de massue, Youtube n'est pas ou si peu, un média horizontal animé et détenu par les vidéastes amateurs. L'UGC, comprenez le user generated content, a vécu. Seules 22,6% des vidéos sont d'origine estampillée "création amateurs". Ce qui n'empêche pas d'être souvent de grande qualité, serait-on tenté de rétorquer. Bref à côté de l'UGC, les clips musicaux (13% des contenus), les médias en général (22%), les publicités (12%) et les films (2,75%), etc. Voilà pour les munitions, mais le nerf de la guerre c'est la musique. La consommation de clips musicaux est loin devant les autres types de contenus avec 40 000 vues par jour en moyenne et par clip, là où le second, les films -par épisodes, "c'est-à-dire les séquences organisées de sorte à permettre une reconstitution de l'oeuvre au visionnage, (à la différence des « extraits »)", note l'Hadopi- émargent à peine à 10 000 vues par jour. La musique est donc le premier contenu en terme de consommation sur YouTube. L'analyse de cette catégorie "clips musicaux" est aussi riche d'enseignement. Car si le piratage, ou disons l'illicite, règne bien, c'est surtout car les contenus officiels proposés semblent handicapés comparés à leurs équivalents non officiels. Pour être clair, 24,31% des clips proposés sont "officiels" sur YouTube, c'est à dire qu'ils ont été mis en ligne par l'artiste ou un représentant légal... Cela signifie tout de même que près des trois quarts sont illicites! Et pour quelle raison ? Parce qu'en grande partie les internautes en veulent plus. Plus d'informations : paroles sur les clips, ou plus de "live", etc.
découpage
Ainsi, "la principale catégorie (28,70%) correspond aux clips musicaux dont la bande son est originale mais dont le support vidéo a été modifié (ajout -titrage reprenant les paroles), par exemple", indique la DREV. Ou encore, "les clips lives (interprétation directement filmée) non officiels représentent 21% des clips, loin devant les clips officiels (1,16%)". La consommation est en revanche largement dominée par les contenus licites, qui écrasent la concurrence. Néanmoins, les clips dont la vidéo a été modifiée ont aussi les faveurs du public.
Ce phénomène se reproduit pour la catégorie "films". YouTube regorge d'oeuvres tronçonnées que l'on peut ainsi visionner dans leur intégrité si l'on sait y faire. Et d'ailleurs, remarque la DREV, "les vidéos de la sous-catégorie Films Pt. (qui représentent un découpage organisé des films en permettant la reconstitution) sont les plus populaires parmi les vidéos classées dans les catégories Films. Elles totalisent une audience d'environ 12000 vues par jour". Ces contenus ne représentent cependant pas plus de 10% de l'ensemble sur YouTube, mais ils sont un canal populaire pour le piratage, et cela en toute légalité ou presque, puisque le portail monétise les VU.