Emmanuel Hoog s'est déclaré candidat à sa propre succession à la tête de l'AFP. Lui qui avait été nommé après une tentative manquée de prendre Arte, aurait il fait contre mauvaise fortune bon coeur ? D'aucun disent qu'il n'a pas reçu les bons signaux du gouvernement ces dernières semaines - on lui prête l'envie de trouver un point de chute dans une ambassade - et qu'il a fait le choix de défendre son bilan. En parlant de bilan, Pierre Feuilly, 40 ans d'agence, en connait un bout. Directeur du bureau de Vienne, ancien directeur des infos générales, proche de Pierre Joxe, il a côtoyé, en tant que responsable des Informations Générales de l'AFP, son ancien condisciple, Jean-Loup Reverier, à l'époque porte-parole du ministre socialiste de l'Interieur. Reverier est aujourd'hui responsable de la communication du président du Sénat, Jean-Pierre Bel et proche du sénateur-maire de Dijon, Francois Rebsamen, on le dit aussi du premier cercle de François Hollande, Pierre Feuilly veut faire campagne sur l'état des finances de la société. En 2012 le trou est évalué à 5 millions d'euros, et il pourrait être de 12 millions en 2013 ! Le mandat d'Emmanuel Hoog se termine le 14 avril prochain. A noter que Patrick Brosselin et Erik Monjalous - ce dernier nous a indiqué n'être pas candidat - seraient aussi en lice.
Nous publions la lettre adressée aux salariés de l'AFP dans laquelle il déclare sa candidature :
De : Pierre FEUILLY
Envoyé : lundi 25 mars 2013 18:44
À : (…)
Objet : AFP: candidature à la responsabilité de PDG
A toutes et tous,
Comme il y a trois ans, devant l’ampleur de la crise qui affecte l’Agence France-Presse, j’ai décidé de poser ma candidature à la responsabilité de Président Directeur général de l’AFP.
L’Agence France-Presse (AFP), moins de 15 ans après la grave crise survenue à l’occasion de la présidence d’Eric Giuily, connaît de nouveau une crise systémique de nature à peut-être remettre en cause son existence, du moins sous sa forme actuelle.
Doyen des personnels de l’AFP, non pas en âge mais en ancienneté avec plus de 43 ans déjà passés à travailler dans une des entreprises les plus fascinantes au monde, je suis passionnément attaché au journalisme d’agence de presse et donc à l’AFP.
Compte tenu de mes diverses responsabilités en son sein, tant en France qu’à l’étranger, tant en matière de journaliste que de gestion d’équipes et de budgets, je dispose d’une solide expertise des problèmes complexes auxquels l’AFP a été confrontée tout au long de ces dernières années et dans celles à venir: indépendance rédactionnelle et statut, stratégie de développement avec le cœur de métier qui est l’information, mais aussi avec ses nouveaux outils que sont le multimédia et la vidéo, filiales, financement pérenne et donc rapports avec l’Etat, rôle des médias français, modernisation technologique, prise en compte de marchés de plus en plus diversifiés à l’heure de la révolution numérique et, enfin, la question cruciale d’un véritable dialogue social, y compris avec le personnel de statut local, trop souvent laissé pour compte alors qu’il joue un rôle-clé dans notre entreprise…
Bref, il s’agit de mettre cette magnifique mais complexe maison, l’une des rares entreprises françaises d’implantation mondiale et aujourd’hui encore -- mais pour combien de temps? – dans le peloton des trois premiers de son secteur, en ordre de marche pour se colleter avec le monde d’aujourd’hui et surtout celui de demain, alors que la presse connaît une des plus graves crises de son histoire.
Et, dans cette tâche ardue, il ne saurait exister de tabou, tout peut et doit être mis sur la table, à l’exception, bien entendu, de ce qui pourrait aliéner l’indépendance intangible de l’Agence France-Presse.
En tout état de cause, le développement de l’AFP et la tenue de son rang de seule agence de presse mondiale non-anglo-saxonne implique obligatoirement, non pas une réduction de ses effectifs, mais leur augmentation, indépendamment des redéploiements toujours nécessaires car le monde change et qui ont d’ailleurs toujours eu lieu. Si l’AFP veut être à la hauteur des défis de l’avenir, elle doit renforcer son réseau de journalistes, de vidéastes, de photographes, d’infographes, d’ingénieurs, de techniciens, de commerciaux, de gestionnaires et non pas abaisser le budget 2013 des frais de mission et des pigistes de 20% en moyenne.
La Direction a conduit aujourd’hui l’AFP à une dramatique impasse financière, avec une trésorerie exsangue et un endettement conséquent, une situation de nature à mettre en cause l’avenir de l’agence.
Il est donc indispensable d’en revenir aux vraies priorités d’une agence de presse mondiale, la technologie, la vidéo, la photo, le réseau mondial, le sport et cesser d’engager des «investissements» dans des travaux ruineux.
Pour cela, il est impératif de renouer avec un véritable dialogue social, mais où chacun joue son vrai rôle: la Direction dirige, mais informe les personnels de ses projets largement en amont afin de laisser du temps au dialogue, et les syndicats défendent les salariés, en particulier contre les injustices, sans pour autant vouloir diriger à la place de la Direction. Ce dialogue social implique aussi la reconnaissance du rôle du personnel de statut local à l’étranger et celui des pigistes, tant en France qu’à l’étranger.
Journaliste professionnel depuis 1966, d’abord à l’ORTF puis à la radio-télévision publique allemande ARD, je suis entré à l’AFP en 1970 et y ai assumé les responsabilités de chef de service en France, de directeur de bureaux à l’étranger et de co-gérant pendant dix ans de la seule filiale de l’AFP (Sport und Informations-Dienst/SID, en Allemagne) largement bénéficiaire.
Mes responsabilités comme animateur d’équipes, mon attachement au dialogue social, si maltraité ces dernières années, mais qui doit se développer dans le respect des responsabilités de chacun, Direction d’un côté, syndicats de l’autre, font que j’ai l’ambition et la volonté de rassembler au lieu de diviser pour régner. C’est pourquoi, dans cette adresse au personnel, comme lors de ma candidature au poste de PDG il y a trois ans, je suis entièrement tourné vers l’avenir, même si le boulet du passé peut être lourd à porter voire entraver la marche vers l’avant. Cela fait trop longtemps que l’immense attachement et le dévouement à l’AFP de la très grande majorité du personnel a été ignoré, voire méprisé, comme le montre, entre autres, la mise à l’écart des «seniors» et des politiques du personnel clanistes.
L’Agence France-Presse, son conseil d’administration, ses personnels et leurs syndicats – l’un et les autres avec leurs responsabilités propres – sont confrontés à un défi d’envergure dans l’histoire de la seule agence de presse mondiale non-anglo-saxonne. Et je souhaite en éclairer les véritables enjeux, écarter les fausses pistes et cibler les axes de l’avenir pour une AFP bien vivante, solidement ancrée dans la modernité et laissant donc derrière elle tant des problématiques que des querelles obsolètes.
Aujourd’hui, il est indispensable de RASSEMBLER. Malgré la complexité des problèmes, la diversité des intérêts des uns et des autres, cela est tout à fait possible et c’est mon ambition et ma volonté indéfectibles. Travaillons y ensemble, c’est mon appel à toutes et tous, quel que soit leur niveau de responsabilité.
Pierre Feuilly