En investissant lourdement dans l’installation de réseaux sous le standard WiMax, l’Etat français a peut-être commis une bourde monumentale et des milliers de personnes pourraient se voir coupées d’Internet.
Le couperet est tombé hier pour les quelque 160 employés d’Alvarion, une compagnie israélienne qui s’était spécialisée dans le WiMax avant de prendre, sans doute un peu tard, le tournant de la diversification avec d’autres standards comme le très populaire WiFi. Tous auraient reçu un email leur notifiant leur licenciement selon un article du Globes, et Alvarion a été mis en redressement judiciaire. Avec seulement 200 000 dollars en caisse, la compagnie ne peut plus payer que le salaire de 17 de ses employés, ce qui pourrait largement faire baisser l’éventuel prix de revente de la société. Autant dire que le naufrage est total. Pourtant, en février dernier, Alvarion, constatant que tous les grands opérateurs et gestionnaires de réseaux se tournaient vers le standard LTE (4G) avait bien tenté de redresser la barre en se délestant de son activité WiMax au profit de Telrad Networks pour 6.1 millions de dollars.
Conséquences en France
Et cette banqueroute israélienne pourrait bien avoir des conséquences jusqu’en France, puisqu’Alvarion fournit la quasi-totalité du matériel à Altitude Infrastructure, une compagnie soutenue à grands frais par les gouvernements successifs pour développer l’accès à un Internet de qualité dans l’hexagone, et plus récemment dans le cadre du plan Très Haut Débit (dont le budget s’élève à quelque 20 milliards d’euros). La société avait par exemple obtenu dans les Pyrénées Atlantiques une délégation de service public il y a maintenant un peu plus 5 ans, par le biais de sa branche Net 64. Pour la modique somme de 7,5 millions d’euros d’argent public, ce sont moins de 1300 abonnés que la compagnie sera parvenue à obtenir. Largement insuffisant a jugé le conseil régional qui a donc voté, en janvier de cette année, pour que soit retirée la délégation de service public à Net 64 et ce dès janvier 2014, alors que le contrat initial prévoyait un fin en 2026. Inévitable quand on sait que la compagnie avait fini 2011 dans le rouge de près de 3 millions et était bien partie pour arriver au même résultat en 2012. Et si l’on rembobine un peu plus loin encore, Bolloré, qui avait obtenu de nombreuses licences WiMax, avait décidé, en juin 2009, de fermer une borne pas assez rentable du côté de Béthune. Mais refusait d’admettre qu’il faille y voir un changement de stratégie globale.
Creuser le fossé numérique
Des cas qui pourraient paraître anecdotiques et finalement assez isolés, mais qui mis bout à bout font sens et semblent sonner le glas de cette technologie. Sous l’impulsion des gouvernements, de nombreux réseaux d'initiative publique se sont construits autour du WiMax. Or celui-ci n’a pas réussi à s’attirer les faveurs des clients et est clairement en passe de tomber en désuétude. De plus, les équipements utilisés ne sont pour la plupart pas compatibles avec d’autres standards devenus très populaires et demandés, comme le WiFi ou le LTE. D’ailleurs l’Arcep a bien du mal à convaincre les opérateurs ayant obtenu des licences WiMax de construire des réseaux basés sur cette technologie. Il faut dire que ceux-ci sont extrêmement coûteux à l’entretien. Au final ce sont donc plusieurs milliers de particuliers et entreprises qui risquent de se voir déconnectés si les pontes du secteur, comme Alvarion ou Altitude Infrastructure (dont la santé financière est également plus que fragile), mettent la clé sous la porte. De quoi creuser encore plus le fameux fossé numérique dont Fleur Pellerin avait juré de faire son affaire.
De son côté, Altitude Infrastructure se veut optimiste et met en avant son contrat pour rassurer les abonnés, mais il semble bien qu’aucune solution de secours n’ait été mise en place par le ministère de l’Economie numérique si jamais Telrad ne se montrait pas enclin à venir réparer des équipements vendus par Alvarion. D’ailleurs, sollicité plusieurs fois ce vendredi, le cabinet de la ministre est resté plutôt vague, évoquant "un séminaire, il n'y aura pas de réponse ce jour. Il faut contacter l'Arcep". Ou l'art de botter en touche en pleine gestion de crise.