Les auteurs de documentaires perçoivent la charte auteurs/producteurs signée lors du FIPA sous le parrainage de Fleur Pellerin comme un bon augure, et parlent déjà d'y ajouter de nouvelles dispositions à l'avenir, et pourquoi pas d'en signer une avec les diffuseurs.
Le moment fort du Festival International de Programmes Audiovisuels (FIPA) 2015 aura été la signature de la charte entre auteurs et producteurs de documentaires, et introduisant certains engagements de transparence financière de la part de ces derniers, en la présence de la ministre de la Culture et de la Communication. Le débat organisé ensuite par la Scam et la Sacd a été l'occasion de rappeler que 2015 serait une année importante pour le droit d'auteur, pour les discussions sur la redevance audiovisuelle, et pour la répartition des risques de production entre producteurs et diffuseurs. Fleur Pellerin, qui clôturait le débat, n'est pas arrivée avec de grandes annonces dans sa besace, mais a réaffirmé son soutien indéfectible en faveur de la création française, et a insisté longuement sur le fait que les nouveaux acteurs du web devraient contribuer à cette création. "La marge de financement de la création se trouve sur des comptes en banque dans des paradis fiscaux" a affirmé courageusement la ministre sous les applaudissements de la salle.
Joyeux accord
"La transparence est essentielle pour favoriser l'investissement dans la création", a déclaré Fleur Pellerin, tout sourire, avant la signature de l'accord auteurs/producteurs. Car c'est bien de transparence financière dont il est question ici. Par cette charte les producteurs signataires (représentés par leur organisations Satev, Spi, et Uspa) s'engagent vis-à-vis des auteurs représentés par la Scam, la SRF et Addoc à leur fournir, entre autres, les détails des comptes de leurs oeuvres, auxquels ils n'avaient pas nécessairement accès auparavant. Certains auteurs étaient ainsi dans des situations où ils ne savaient pas qui "avait mis au pot" et combien. Un autre engagement issu de la charte, qui pourrait paraitre anecdotique mais ne l'est pas, est celui des producteurs de fournir une copie de leur oeuvre au réalisateur. "Maintenant il faut faire vivre et ajouter des choses à cette charte, et en faire une avec les diffuseurs", a souligné Julie Bertuccelli, présidente de la Scam, après la signature. Dans de nombreux cas, les auteurs de documentaires ont en effet peu de feedback des chaines de télévision qui pré-commandent et diffusent leurs oeuvres.
Un débat sans le CSA
Presque tout le monde de l'audiovisuel était représenté lors du grand débat Scam/Sacd qui a eu lieu après la signature : les chaînes de télévision avec Rémy Pflimlin et Laurent Vallée - qui remplaçait Rodolphe Belmer au pied levé -, les auteurs avec Julie Bertuccelli et Sophie Deschamps, le parlement avec Patrick Bloche et David Assouline, et les producteurs en la personne de Thomas Anargyros. Cependant le grand absent fut très remarqué - il était l'"éléphant dans la pièce" auraient dit les Anglais : il s'agit du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel. Pascal Rogard, DG de la Sacd et animateur de l'évènement, a remarqué que son président Olivier Schramek mais avait décliné son invitation. Pascal Rogard a supposé avec humour que le différend entre le CSA et les auteurs qui s'est joué en 2014 "n'avait probablement rien à voir avec ce refus". Les auteurs ont en effet pris ombrage de la décision du CSA de diminuer les obligations jeunesse de TF1, prise sans les consulter et qui a pourtant des répercussions évidentes sur eux...
La redevance avec Patrick Bloche ?
Le débat fut l'occasion pour Patrick Bloche de déclarer que "la redevance permet de donner à l'audiovisuel public son indépendance financière", et que défendre celle-ci, et son augmentation, était selon lui "plus important que la nomination des présidents de l'audiovusuel public par la CSA". Certains bruits de couloirs avant le débat avaient pourtant fait état de la passivité de Patrick Bloche lors des derniers débats au parlement sur l'augmentation de la redevance, qui aurait été adoptée grâce au travail acharné de David Assouline... Le monde de l'audiovisuel sera donc rassuré que pour les prochaines augmentations, Patrick Bloche les soutiendra. David Assouline a déploré quant à lui l'absence de "chaîne publique d'information continue et de documentaire", affirmant qu'une telle chaine était nécessaire pour "donner le la" , ce qui est selon lui l'une des obligations de l'audiovisuel public. "Il n'est pas tolérable, il n'est pas normal que le "la" soit donné par des chaines d'information telles qu'on les connait aujourd'hui", faisait référence à la couverture des attentats terroristes de début janvier. "Il faut tout remettre à plat, afin que les salariés de France Télévisions se sentent comme des pionniers d'un projet d'avenir", a t-il conclu.
Enfer fiscal
Il a également été question à plusieurs reprises du projet de décret sur l'audiovisuel, qui modifiera entre autres la répartition des droits sur les oeuvres entre diffuseurs/financeurs et producteurs. Fleur Pellerin a affirmé dans son discours de clôture que ce décret, qui vise à renforcer les droits des diffuseurs qui financent les oeuvres afin de permettre une distribution plus efficace à l'internationale des créations françaises, "sera publié rapidement". Elle considère que la création ayant une patte française possède une aura favorable à l'international : "la créativité est l'une des forces de la France dans le monde", a t-elle affirmé, "et l'audiovisuel est un secteur d'excellence pour la France". Cela dit, elle a tout de même souligné que "la France est l'un des rares pays où la fiction américaine rencontre plus de succès que la fiction nationale". Elle a engagé les chaînes françaises à ne pas baisser les bras devant ce constat, affirmant que "la création française est pour les chaines française le moyen de se distinguer de l'offre globale".
La ministre de la Culture et de la Communication a emporté l'enthousiasme de la salle quant elle a déclaré qu'il n'était pas acceptable "qu'un nombre croissant d'acteurs économiques se sont insérés dans la chaîne de valeur de la création sans financer cette création". Elle a souligné qu'en plus de ne pas financer la création "nombre d'entre eux ne paient pas, ou très peu, d'impôts en France, alors même qu'ils bénéficient de tous ces contenus". Elle a annoncé être en discussions avec l'Elysée et Matignon sur ce thème, avec des "propositions pour obliger ces acteurs à se domicilier en France", et pour "les soumettre à une fiscalité permettant de les faire participer au financement de la création".