L’échec consommé de la gauche sur le numérique

Watteau HollandeLe Premier ministre a annoncé une loi sur le numérique à l'automne.

La gauche n'a pas compris le numérique. Ses penseurs attitrés ont usé jusqu'à la corde de tous les sophismes et tiroirs des novlangues, mais rien n'y a fait. Le gouvernement Hollande devra donc être jugé avec une sévérité méritée. Le numérique fut pourtant dans les discours, tout comme la jeunesse, mais ceux qui devaient incarner cette poussée de la modernité dans l'Etat n'ont été que des fantoches. La volonté, également, manqua. Et ce n'est pas le manège qui fut présenté ce matin qui doit inciter à se tromper sur le véritable bilan.

La gauche hollandiste n'a donc pas été capable plus que la droite sarkozyste d'appréhender les rouages utiles du numérique. Et si Nicolas Sarkozy avait encore l'excuse de la primeur d'une première rencontre avec le numérique, il n'en est rien pour l'actuel locataire de l'Elysée. Le dilettantisme politique du numérique de François Hollande tient peut-être plus au réflexe d'une sourde sagesse mitterandienne... L'idée que le numérique après tout ce n'est pas l'ami de l'emploi et de l'industrie. Le résultat d'un calcul plus politique que pragmatique; le numérique porte la valeur à son sommet mais pas l'emploi, après cela comment en vouloir à un président de gauche d'avancer avec la franchise de l'âne.

Mesurettes idéologiques

La nomination d'Axelle Lemaire, en dernier lieu, après Fleur Pellerin, était en soi déjà une très mauvaise nouvelle pour les zélotes numériques. L'ancienne suppléante n'a jamais su mettre en place une proposition législative convenable. Et encore aujourd'hui, alors que le premier ministre parle d'un projet de loi pour l'automne, l'administration n'y trouve pas son compte. Les textes qui circulent ne sont que des "mesurettes idéologiques", nous dit une source gouvernementale. Le départ de Thierry Mandon, qui était au secretariat d'Etat  à la Réforme de l'État et à la Simplification, pour l'enseignement supérieur doit d'ailleurs aussi s'interpréter comme une fin de non recevoir pour un projet de loi qui concerne dans son essence le fonctionnement de l'Etat.

Le conseil national du numérique (CNNum) a été d'ailleurs d'une aide peu fiable dans toute cette affaire. Isolé, peu questionné, en retard d'une guerre sur les sujets chauds, écarté lorsqu'il s'agit de sujets sensibles, pour tout dire, tenu pour un cénacle d'"experts" pontifiants, le CNNum a donc remis un rapport ce matin même au gouvernement. Cocasse situation, qui a donc permis au premier ministre de promettre une loi alors que le rapport qui doit servir de socle venait tout juste de lui être remis... Cela rappelle les épisodes précédents, tous sans exception depuis Eric Besson. Y aura t-il à la fin une loi ? Il y a des chances que Bercy et d'autres ministères dépècent le texte pour s'en servir au final. Qui prendrait le risque d'envoyer Axelle Lemaire défendre seule un texte à quelques mois d'une élection présidentielle ? Même la gauche solférinienne au pouvoir n'a pas cette tentation perverse...

Waterloo numérique

Que conclure donc, si ce n'est que cette affaire fut la victoire pour l'instant des 0 sur les Bits. Le numérique est au point mort. Les plus grosses levées des sociétés française se font avec des fonds anglo-saxons; les rares introductions en bourse également, etc. La trajectoire politique de personnalités comme Benoit Thieulin, le président du CNNum, tient certainement plus du placement pour les années à venir. Il faudra bien incarner un secteur, le moment venu, pourquoi pas celui-ci ? Idem pour d'autres moins connus, mais pourtant aussi aux affaires dans ce Waterloo numérique.

2017 approche et avec lui, le prochain vrai remaniement de la dernière ligne droite pour François Hollande. Si l'alternance est largement plausible, tant la gauche a raté ses rendez-vous, et pas seulement sur le numérique, le retour de la droite au pouvoir n'inquiète pas. Il rassure. C'est là, le bilan de ces 4 années. Les industries culturelles attendent la droite. Elles ont refermé les dossiers français, ou se tournent uniquement vers Bruxelles. Le numérique en fera de même, car comme il a été dit, le numérique attend la création de valeur, ce miracle économique des dirigeants et des actionnaires qui laisse le peuple dépourvu et coupable de ne pas savoir la chance qu'il a de vivre une révolution qui ne sera pas télévisée...