Droit d’auteur : l’article 11 bloque l’adoption du mandat

Le Parlement européen vient de refuser de voter un mandat de négociation de la directive droit d'auteur avec le Conseil de l'UE. Il est encore tôt pour faire les comptes, mais il est probable que, plus que l'article 13, c'est l'article 11 sur le droit voisin des éditeurs de presse qui a rebuté nombre de députés. La mollesse de la presse à défendre ce droit taillé pour elle et à défendre la directive dans son ensemble, y est sans doute aussi pour quelque chose.

L'article 11 avait été intégré à la dernière minute par le truchement du cabinet de Jean-Claude Juncker, soit juste avant la publication de la proposition de directive droit d'auteur en septembre 2016. C'est l'éditeur de presse allemand Axel Springer qui avait fait le forcing pour l'obtenir, afin d'imposer à Google - car Google est bien la cible principale de cet article - de négocier des licences avec les éditeurs de presse pour Google News notamment. Un tel droit voisin avait été intégré en Belgique et en Espagne, mais Google a simplement du fermer Google News, ou menacer de le faire dans le cas belge, pour obtenir que les éditeurs de presse ne réclament pas leur du. Le pari d'Axel Springer était que si un tel droit était imposé au niveau européen, Google ne pourrait rien faire pour s'y opposer. Au vu de l'échelle du continent, fermer Google News pour tous les Européens aurait été impossible, selon les calculs d'apothicaire d'Axel Springer.

Pas de mobilisation de la presse

Il y a nombre de problèmes avec ce raisonnement, et nous y reviendront probablement dans un article ultérieur. Pour l'heure, il s'agit de souligner que dès avant le vote d'aujourd'hui, plusieurs parlementaires se sont inquiétés que "certains Etats membres sont mobilisés contre l’article 11" et que "si le mandat tombe, ce sera sur cet article." Autre élément à prendre en compte, selon plusieurs collaborateurs parlementaires : l'apathie de la presse, et en particulier de la presse française. Il faut bien le dire, le monde de la culture a défendu bec et ongles "ses" articles : article 13 pour le value gap soutenu notamment par le Gesac, et article 14a sur la rémunération des auteurs et interprètes défendu par la SAA et AEPO-ARTIS. Ils ont tous organisé nombre d'évènements à Bruxelles et Strasbourg, avec des artistes et créateurs. Ils n'étaient pas nécessairement d'accord les uns avec les autres, mais ils ont fait contre mauvaise fortune bon coeur, et ont lissé leurs différences. Le résultats ? Les Parlementaires et commissaires les ont accueilli à bras ouvert, à moult reprises. En revanche la presse n'a jamais rien organisé, ou s'il l'ont fait, ces évènements sont totalement passés sous le radar. Un comble, pour des médias nationaux.

Opposition du SPIIL à la directive

Pire, et surtout en France, les articles des journaux portant sur la procédure d'adoption de la directive droit d'auteur ont volontiers utilisé un ton alarmiste, et nombre n'ont pas hésité à reprendre les éléments de langage de la campagne entamée par Julia Reda et ses alliés objectifs des plateformes contre la directive. Certains représentants de la presse française n'ont d'ailleurs pas hésité à participer directement à la campagne contre la directive. Ainsi, le SPIIL, qui représente une grande partie de la presse en ligne et qui est présidé par Jean-Christophe Boulanger, président du média Contexte, a ainsi directement participé à une campagne contre la directive en compagnie d'organismes financés directement ou indirectement par des sociétés de la Silicon Valley.

Certains au Parlement européen n'hésitent pas à voir dans cette situation l'influence de Google sur la presse. Et la lettre envoyée par le fonds Google aux éditeurs de presse ayant obtenu ou demandé des aides au molosse de Mountain View, et leur demandant d'envoyer des messages aux parlementaires contre la directive, n'est pas pour les rassurer. Quoiqu'il en soit, le combat pour le vote d'un mandat du PE sur la directive droit d'auteur est relancé, et il serait peut-être urgent de se demander si l'article 11 - qui bloque tout et n'est soutenu qu'à demi-mot par son propre secteur - devrait y rester.