La taxe sur les Gafa est annoncée pour début 2019. Google et les autres attendent les modalités de cette mesure voulue par Bercy en pleine crise de démagogie, pour répondre à la crise des gilets jaunes. Bercy promet 500 millions d’euros par an, soit seulement une petite partie de ce que ces entreprises génèrent déjà pour le budget de l’Etat.
Le gouvernement d’Emmanuel Macron n’est pas avare en manœuvres « politicardes ». Le projet d’une « taxe Gafa » brandi en étendard contre ce « parti de l’étranger », ce monde de la finance venu de l’extérieur, en plein mouvement des gilets jaunes en est la plus parfaite expression. Sans prendre partie sur son efficacité ou son intérêt économique, il parait important maintenant que cette taxe est prévue pour le début de l’année 2019 concernant son application en France - Bruno Le Maire, malheureux émissaire d’Emmanuel Macron à Bruxelles, vient de l’annoncer - de rappeler l’importance pour l’économie française de la présence de ces Gafa. L’argument principal avancé par le gouvernement est celui de l’impôt sur les bénéfices, qui ne serait pas payé à hauteur des affaires des Gafa en France. Le point est discutable : comme nous l'avons expliqué sur ElectronLibre au fil des années, ces sociétés respectent l'état actuel des traités fiscaux, en déclarant leurs revenus où elles ont un établissement permanent. Du point de vue de ces Gafa, via un montage financier qui n’a jamais été jugé illégal - rappelons que la Commission a condamné l’Irlande pour avoir passé une transaction fiscale illégale, et non pas le montage financier utilisé par Apple, par exemple -, les bénéfices remontent à la maison mère où sont localisées les propriétés industrielles. C’est avec cet argument qu’Apple a d’ailleurs rempli son dossier en appel contre la Commission européenne... Interrogée à ce sujet sur ce point, la commissaire Margrethe Vestager s’est toujours montrée confiante, estimant récemment à Paris que "Apple a placé sa propriété intellectuelle en Irlande."
La philosophie de la fiscalité internationale est certainement passionnante mais elle cache une misère économique lorsqu’il s’agit de la France. L’économie de l’Hexagone est en effet presque vierge d’un champion même européen sur ce terrain. Les DailyMotion, Criteo, Blablacar, ou autre Deezer, ne pèsent rien en face d’un Google. Sans parler même de Qwant, dont la part de marché est inversement proportionnelle à sa capacité à se mettre en avant dans le débat sur le numérique français (elle serait de moins de 1% en France, quand Google en détient plus de 80%). Pour le dire simplement, taxer Google, Apple, Facebook ou Amazon sur son chiffre d’affaires estimé en France est donc un double aveu d’échec.
TVA
Laisser entendre qu’avec cette taxe, c’est un peu de l’argent que ces Gafa devraient au fisc qui reviendrait dans les caisses de l’Etat est aussi un mensonge. Bercy a en effet été débouté dans son face à face avec Google... Les lois sont faites ainsi, et Bercy ne peut s’en exclure. Plus surprenant, pourquoi parler uniquement de l’impôt sur les bénéfices ? Un rapide calcul démontre pourtant que ces Gafa sont - et de loin - les meilleurs amis des finances de l’État. En effet, si l’on prend en compte la TVA d’Apple sur l’année 2017, c’est la coquette somme de 891 millions générée sur la vente des produits comme l’iPhone, l’iPad ou encore les Mac. Et ce chiffre ne prend pas en compte les revenus de l’Appstore, iTunes, Apple Music ou d’autres services proposés par la pomme. Quelle entreprise française génère autant ? Certainement très peu... prenons par exemple TF1, un rapide calcul donne une TVA sur l’année 2017 d’un peu plus de 200 millions d’euros. Orange paie certainement le triple d’Apple sur son chiffre d’affaires en France.
Apple est donc dans le peloton de tête des entreprises qui permettent à l’État de fonctionner. Ce calcul sur la TVA peut être évidemment étendu à Google, Facebook ou bien entendu Amazon. Et le développement de ces entreprises sur le marché français est loin d’être à son climax... une taxe, telle que Bercy la conçoit viendra ajouter à la fiscalité directe sur ces entreprises, et donc directement sur leurs clients : nous tous. Bercy va ainsi faire payer aux consommateurs de ces produits le manque de vision de cette administration quand il s’agit de faire grandir l’économie numérique et engendrer des champions internationaux. Tout au contraire, le gouvernement a dépuis des années une action que l’on peut qualifier de « réactionnaire » et « paranoïaque » quand il s’agit de faire des lois sur le numérique. Le délire législatif sur la RGPD, par exemple, n’a d’égal que son inutilité pour le citoyen. La République numérique d’Axelle Lemaire fut un également un sommet d’inepties politiques. Enfin, une fois la Hadopi créée, rien n’a pas été engagé dans sa suite pour faire grandir un ou plusieurs distributeurs de produits culturels. Deezer a d’ailleurs fini par être cédé au russe Blavatnik et dernièrement au fonds royal saoudien. La modernisation de l’Etat est aussi à l’image de cette gabegie. Les sites web ou services mobiles de l’Etat sont particulièrement mal faits et incompréhensibles pour le citoyen moyen. Des millions d’euros engloutis pour un résultat plus que médiocre. Un tableau noir généralisé pour l’Etat sur le numérique qu’une taxe sur les Gafa ne viendra pas laver. Echec auquel s'ajoute le bilan plus que mitigé de la FrenchTech.