TF1 : après l’échec de la fusion, de grandes questions se posent

La fin du projet de fusion entre M6 et TF1 renvoie la Une à la question de son avenir dans un marché où les streamers ouvrent une offre avec de la publicité. La stratégie de la filiale du groupe Bouygues pour les années à venir est remise en question.

La fusion ne se fera pas. L’autorité de la concurrence a joué en défense pour expliquer son approche après ce fiasco, estimant qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’informations pour évaluer l’impact des GAMAs sur le marché de la publicité télévisée. Une réalité à laquelle se confronte pourtant le marché depuis des années… La pression sur les prix exercée par les GAMAs est une réalité, et l’autorité de concurrence a semble t-il estimé qu’elle allait dans le bon sens, c'est-à-dire dans celui d’une baisse des tarifs pour les annonceurs et donc pour le consommateur, qui est en bout de chaine.

Dans ces conditions, Bertelsmann veut céder M6, coute que coute. Il ne manque pas de candidats, comme nous l’avions déjà dit. Et il est fort possible que l’Elysée pousse dans le sens d’un rachat par un acteur français, qui serait dans les clous pour obtenir le feu vert de l’autorité de la concurrence. Reste à savoir ce que deviendra TF1.

Options

La Une est toujours le champion de la télévision en France. Nul doute que le groupe a un avenir sur le petit écran, et il n’y pas péril en la demeure, pour tout dire. Cela dit, il faudra aussi que la Une fasse sa révolution pour éviter d’être marginalisée sur son marché natif. Plusieurs options sont possibles. Evacuons tout de suite celle d’une vente par le groupe Bouygues. Martin Bouygues a suffisamment répété qu’il n’avait aucune intention de céder TF1, ce qu’il aurait pu faire depuis bien des années déjà.

La mutation de TF1 se pose clairement pour les années à venir. L’horizon est forcément « digital ». Les premières tentatives du groupe n’ont pas été couronnées d’un grand succès. Les activités sur le Web - qu’elles aient été développées en interne ou acquises - n’ont guère généré beaucoup d’argent. Cela reste périphérique pour un groupe de la taille de TF1. La production, avec le rachat de Newen était certainement une meilleure option pour l’avenir de TF1.

Distribution

Le relai de croissance le plus évident pour TF1 dépendra de la distribution de ses contenus. Le défi que posent les GAMAs au groupe français tient pratiquement entièrement dans une révolution : la distribution. Netflix, Disney, WarnerDiscovery, tous sont devenus des chantres de la nouvelle distribution de contenus. Netflix a compris très tôt tout l’intérêt d’une distribution hégémonique sur les droits des contenus, dont Netflix demande un contrôle total pour des années.

L’affaire qui oppose TF1 à Canal Plus concerne justement la distribution. TF1 se sert de sa force pour obtenir une soulte par les distributeurs, surtout ceux qui ont fait de l’OTT leur cheval de bataille. Plutôt que d’embrasser l’OTT, et devenir elle aussi un acteur de ce type de distribution en ligne, TF1 préfère s’assoir profondément dans son trône et exiger une rente aux distributeurs qui veulent ses programmes. Il n’est pas évident que cette position soit tenable sur le long terme, mais elle permet à la Une de ne pas déclencher une refonte profonde de son produit. En effet, la Une agit au jour le jour comme une chaine de télévision, son modèle basé sur l’exploitation d’une grille de programmes sur différents canaux de diffusion est rentabilisé par de la publicité adaptée à chaque créneau d’audience. Le modèle a peu changé en 40 ans. La diversification s’est faite au compte gouttes, et la multiplication des canaux de diffusion a été l’occasion pour la Une de protéger son empire. Et c’est bien tout.

Avod

Avec l’arrivée des opérateurs OTT, les chaines comme TF1 rencontrent cette fois une vraie concurrence, mais aussi de nouvelles solutions pour retrouver une croissance forte. La première est évidemment l’AVOD, soit la distribution OTT des contenus mais financée par la publicité. L’AVOD est un ensemble large d’opportunités. Pour TF1 et son audience, la linéarité des programmes est importante : le sport, les grandes émissions musicales ou la téléréalité nécessitent de grands rendez-bons ponctuels avec l’audience. L’AVOD le permet avec des modèles dits FAST, qui intègrent des chaines à l’intérieur d’une distribution AVOD. Molotov et Pluto TV ont déjà expérimenté cette distribution en France.

TF1 pourrait également décider de faire muter plus drastiquement son modèle en proposant une offre payante plus importante. La Une a déjà mis un pied dans le payant, il y a plusieurs années avec la distribution de videos, mais aussi dernièrement avec une offre payante en ligne : MyTF1 Max. Une offre qui permet de supprimer les publicités dans les replay pour 2,99 euros par mois. Une fois encore, TF1 semble retenir ses coups et expérimenter du « bout des doigts » un nouveau modèle.