Le directeur délégué de Libération se livre à ElectronLibre. Après le déménagement, qui a quitté ses locaux historiques pour rejoindre les autres actifs médias du groupe Altice, le journal emblématique de la gauche française sort de la crise. Johan Hufnagel nous révèle le plan qu’il compte mettre en application pour relancer le journal, tout en pérennisant les finances, et enfin convaincre dans l’univers du numérique. La richesse de Libération, c’est son identité, et le directeur n’entend pas la laisser se diluer dans la galaxie Altice Média. Selon nos informations, le journal aurait généré en 2015 un chiffre d’affaires de l’ordre de 28 millions d’euros, dont un peu plus de 10% pour son activité Internet.
EL : 40 ans après sa création de quoi Libération est-il le nom, aujourd’hui ?
Libération est en constante évolution mais il y a une constante : nous sommes le journal que les gens aiment détester. Souvent, ils ne sont pas nos lecteurs d’ailleurs. On a là presque une marque de fabrique, qui illustre tout à fait la difficulté d’être un titre très fort. Si on n’écoute que les haters, Libération se serait affadi dès le premier jour de son existence; qu’il n’est plus en adéquation avec LA « doxa » de la gauche ! L’a-t-il été un jour, en 1973 ou en 1981 d’ailleurs? Libération doit composer avec le fait de représenter des courants multiples, et c’est très difficile.
Lorsque je suis arrivé à Libération en 1990, la question se posait déjà : est-ce qu’on est le journal d’une génération, en gros celle de 1968, qui doit donc s’éteindre avec, ou bien Libération est-il un journal populaire qui se renouvelle en permanence ? Le choix n’a pas été fait ! L’argent a manqué aussi, et pour ça le journal n’a pas été gâté. Longtemps, il n’y a eu que des mécènes qui se sont penchés sur le cas Libération, sans investissements suffisants.
A quoi sert Libération donc? Quand il n’y avait pas encore Internet, Libération était le seul journal qui représentait les sensibilités diverses de gauche. Aujourd’hui, l’avènement du réseau des réseaux a permis l’éclosion de médias nouveaux, comme Mediapart, Rue89, etc.
On reste un journal fondamentalement plus libre que les autres. Il n’y a pas de «ligne politique»…