Les Européens ne sont pas seuls à vouloir mettre le holà aux facilités fiscales des Amazon, eBay et autres Apple : les Etats-Unis sont eux aussi sur le coup, avec une future loi qui obligera ces entreprises à payer - enfin - la sales tax sur les ventes d'un état fédéré à l'autre.
Le Sénat américain a parlé ! Amazon, eBay ou encore Apple ne sont plus des David dont les Goliaths s'apercevaient à peine de l'existence... Leur innocuité initiale et l'originalité de leur modèle leur avait permis ici en Europe de faire des arrangements à la sauce hollandaise, et là aux Etats-Unis, ne pas payer certaines taxes payables par tous les commerces sauf eux ! Mais c'était le bon vieux temps : même les Américains en ont assez de voir leur économie locale, qui paie ses taxes, rognée par ces nains devenus géants qui bien souvent ne paient pas la sales tax - équivalent américain de notre TVA - parce que leur business est en ligne. Le Sénat a donc ouvert la voie pour une législation plus équilibrée en la matière, à la grande joie des administrations locales et des commerçants qui ont pignon sur rue. La proposition devrait être incluse dans le budget 2014 de Barack Obama.
24 milliards
24 milliards de dollars, c'est le manque à gagner annuel pour les administrations locales, tel qu'évalué par la National Retail Federation. Ce manque vient du fait qu'en l'absence de loi fédérale en la matière, les états américains ne peuvent pas appliquer la sales tax sur les transactions entre leurs habitants et des vendeurs dont les locaux sont situés dans d'autres états. Cette brèche, ouverte bien avant leur arrivée par la décision de la Cour Suprême dans l'affaire Quill de 1992, les géants du commerce en ligne en ont bien profité et en profitent encore largement aujourd'hui. Elle leur permet en effet d'offrir des prix plus bas que ceux des commerces ayant pignon sur rue...
Et pourtant, comme bien souvent en matière fiscale, l'idée derrière la décision Quill n'était pas du tout de favoriser la montée de monstres du retail. Il s'agissait à l'époque de permettre à des petits commerces de vendre leurs produits par correspondance dans tous les Etats-Unis, sans devoir se renseigner sur le montant des taxes applicables dans chaque état, car la sales tax est une prérogative des états fédérés, qui en décident le montant. Il n'y a pas du tout de sales tax dans certains états comme l'Alaska, tandis qu'elle atteint 4% en Alabama et 7,5% en Californie.
La décision Quill interdisait par ailleurs aux état fédérés de légiférer en la matière, précisant que seule une loi fédérale pourrait obliger les commerçants installés dans un état à payer des taxes sur les transactions effectuées avec des acheteurs en dehors de cet état. Bien entendu Amazon, eBay et toute une pléaide de vendeurs en ligne ont non seulement grandi grâce à cette facilité fiscale, mais sont devenus tellement grands qu'ils ont pu faire un lobbying multi-dimensionel pour qu'une telle loi ne soit pas adoptée... Jusqu'à ce que l'injustice devienne trop flagrante et que l'association des commerçants américains (National Retail Federation) et les administrations locales, telles que la Californie, montrent leur ras-le-bol des méthodes parfois inélégantes d'entreprises comme Amazon.
Un projet porté par les Démocrates et les Républicains
A force de lobbying, la NRF et les états fédérés ont rassemblé de nombreux sympathisants à leur cause à Washington, et depuis quelques mois, la perspective d'une loi obligeant les commerces en ligne à payer la sales tax où qu'ils vendent est devenue inévitable. D'abord, il y a eu l'adoption par une dizaine de sénateurs fin 2011 d'une proposition nommée le Marketplace Fairness Act, prévoyant toute une série de mesures dont l'obligation pour tous de payer la sales tax. Mais l'adoption d'un tel acte général, même si elle n'est pas encore complètement abandonnée, aurait pris trop de temps. 75 sénateurs Républicains et Démocrates - et cette connivence entre les deux partis est bien entendu un gage de consensus très probant - ont donc voté il y a quelques jours une proposition d'amendement au budget 2014 des Etats-Unis pour que le paiement de la sales tax par les commerces en ligne s'applique dès l'an prochain. L'adoption de cet amendement semblant très probable, même si elle a des opposants à Washington et que certains disent que l'exemption prévue pour les entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur à un certain montant risque d'ouvrir des discussions interminables. Evidemment, on s'en doute, Amazon, et surtout eBay continuent de faire des pieds et des mains pour retarder d'encore un ou deux ans l'inévitable conclusion de cette affaire.